De l’Oeuvre Française au FN : Plongée sous Marine avec Abel Mestre

Le journaliste spécialiste de l’extrême-droite tenait conférence pour la StreetSchool

Invité de la StreetSchool, Abel Mestre revenait sur son boulot de journaliste en charge des droites extrêmes pour Le Monde. Pour savoir quelle est la différence entre un royaliste et un identitaire, c’est ici.

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Abel Mestre en plongée sous Marine. Sans palmes ni tuba.

Après avoir reçu le spécialiste de l’investigation web Jean-Marc Manach, StreetPress organisait mardi 10 juin sa deuxième soirée à thème : une « plongée sous Marine » avec Abel Mestre, journaliste en charge depuis 2008 de l’extrême-droite au Monde et sur le blog Droites extrêmes. Une soirée organisée dans le cadre de la Street School, programme gratuit de formation au journalisme, dont les étudiants mais aussi tous les curieux trouvent ainsi l’occasion de rencontrer des journalistes professionnels et d’échanger avec eux.

Après avoir jeté quelques fleurs à StreetPress – « un site que je consulte régulièrement, [dont] j’aime beaucoup les angles » et sur lequel « j’apprends beaucoup de choses » – Abel Mestre est revenu sur un temps (2008) qui semble bien loin, où « le Front était au plus bas dans les sondages. Beaucoup de politologues, de journalistes et d’observateurs le donnaient pour mort ».

Depuis, le FN est arrivé à la première place des européennes – après l’abstention – et tout un tas de mouvements d’extrême-droite, comme le Bloc identitaire, ont squatté la une de l’actu, entre apéros saucisson-pinard, « manif pour tous » et « tournées anti-racaille ». Dans le même temps, le blog Droites extrêmes passait de 15.000 vues à 250.000 sur certains articles.

 


Huit années entre dédiabolisation – « une façade, évidemment » – et piqûres de rappel antisémites à base de « fournées » du père le Pen – « persuadé qu’un FN gentil n’intéresse personne » sur lesquelles est revenu Abel Mestre.

Un FN gentil n’intéresse personne



Abel Mestre, posey !!!


Combien de familles est-ce que tu distingues parmi les droites extrêmes ?

Je n’ai pas vraiment de typologie, ce sont des frontières mouvantes. Certains militent au FN avant de se retrouver au Bloc identitaire puis chez Serge Ayoub… Ils ne sont pas structurés politiquement et s’engagent un peu en fonction de l’air du temps.

D’autres sont beaucoup plus structurés :

> Les royalistes, qui sont encore un mouvement structurant de l’extrême-droite française comme on a pu le voir dans les manifestations contre Christiane Taubira, et qui parvient à fournir une grille de lecture du monde cohérente.

> Les identitaires, très structurés également, autour d’une philosophie très radicale mais avec une communication politique beaucoup plus moderne que les autres : ils arrivent à influencer aussi bien des cadres du FN que de l’UMP, comme on a pu le voir lorsque Lionel Luca reprend les apéros saucisson-pinard. Ils instillent des idées dans l’ensemble du spectre politique de droite ;

> Les néo-fascistes et néo-nazis.

> Et à côté, il y a le FN, qui est un cas à part. C’est un parti d’extrême-droite, au confluent de plusieurs courants : à sa fondation, il regroupait des anciens collaborationnistes, des anciens de l’OAS, et quelques anciens résistants qui étaient là par anticommunisme. Aujourd’hui, on y retrouve une tendance crypto-souveraino-patriote incarnée par Florian Philippot, la vieille garde incarnée par Jean-Marie le Pen et Bruno Gollnisch, et Marine Le Pen qui est censée faire la synthèse de tout ça.

Mais le FN a pas mal d’ennemis à l’extrême-droite, comme on peut s’en rendre compte en lisant Rivarol…

Alors Rivarol, c’est un hebdomadaire antisémite et pétainiste, qui a pris pour cible Marine et même Jean-Marie le Pen depuis que Jérôme Bourbon est arrivé à la tête du journal. Jérôme Bourbon qui, il faut le savoir, est issu de l’Œuvre Française, l’un des mouvements dissous l’année dernière par Manuel Valls. Et en plus d’être antisémite et pétainiste, il est sédévacantiste – c’est-à-dire qu’il considère que le pape actuel est un usurpateur et que le vrai a été jeté dans un cachot… Il pense que l’Eglise est infestée de francs-maçons, de juifs et de marxistes… Et il avait même reproché à Marine le Pen de porter des jeans et d’avoir un entourage digne de la Cage aux folles.

Parmi les fondateurs du FN, il y avait même quelques anciens résistants, qui étaient là par anticommunisme

Jérôme Bourbon avait même reproché à Marine le Pen de porter des jeans



Il y avait foule, à la plongée sous Marine.


Mais le Front National, lui, dit aujourd’hui qu’il n’est pas d’extrême-droite. Est-ce que pour toi c’est toujours un parti d’extrême-droite ?

Pour moi c’est évidemment un parti d’extrême-droite. Il est la preuve même qu’on peut être d’extrême-droite sans être nazi ou fasciste. Ce qui fait que c’est un parti d’extrême-droite, c’est la préférence nationale, qui est au cœur de son projet depuis les années 1990, et qui consiste à donner un accès privilégié aux aides sociales, aux logements sociaux, à l’emploi aux seuls Français. C’est une mesure qui a été considéré comme illégale par un tribunal administratif. Donc on parle là du seul parti qui présente un programme dont le point nodal est illégal.

On vient de voir tous les cadres du FN monter au créneau pour dénoncer la sortie de Jean-Marie le Pen sur la « fournée », est-ce que c’est un événement qu’il fasse l’unanimité contre lui au sein du parti ?

Oui, parce qu’habituellement c’est fait dans les couloirs, en coulisses… Mais là, la dernière fois qu’il a été aussi contesté c’était à la veille de la scission mégrétiste. On n’en est pas là, parce qu’il n’y a pas de courants au FN et que tout le monde est derrière la présidente : personne ne peut la concurrencer au niveau du leadership. Mais on est dans une crise de direction très claire.

Comment est-ce qu’on récolte des infos sur le FN ?

Comme pour n’importe quel parti, en fait : en travaillant les sources, en voyant les cadres, en multipliant les contacts, en faisant des reportages, mais aussi en lisant beaucoup : ils sont toujours dans l’understatement, dans les allusions…

La dernière fois que Jean-Marie le Pen a été aussi contesté c’était à la veille de la scission mégrétiste



La plongée sous Marine, ça se pratique aussi sur Twitter – lien par ici


Quel genre de relations est-ce que t’entretiens avec eux ? Tu appelles Jean-Marie le Pen tous les jours ?

Non, non… Je dois reconnaître que le FN a un avantage, c’est qu’ils ne cherchent pas à copiner avec la presse. Au Front National, personne ne te tutoie. Ils ne te diront pas : viens, on va se prendre une bière, discuter… C’est un rapport très professionnel, très distancié, que je trouve assez sain.

C’est pareil avec les autres groupes d’extrême-droite. La difficulté à traiter de l’extrême-droite, c’est d’être aussi honnête que quand on couvre l’UMP, le PS ou le centre, tout en ayant en tête que ce sont des partis qui ne sont pas tout à fait comme les autres. L’Œuvre française s’assume par exemple nostalgique de Pétain, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut être malhonnête avec eux.

Comment t’es accueilli, dans des manifestations d’extrême-droite ?

Je n’ai pas eu plus de problèmes que ça… C’est plutôt des coups de pression… Sinon, le 1er mai 2013, mon adresse personnelle a été imprimée sur des autocollants et collée en marge de la manif du FN. Pas très agréable…

Tu ne penses pas que parler du FN puisse revenir à leur accorder une tribune, à sensibiliser les gens à leurs idées ?

J’attends de voir une étude qui montre que le Monde a un tel pouvoir… Le FN a quand même fait 25% aux européennes, et un score plus que bon aux municipales. Donc ce n’est pas une création médiatique, c’est quelque chose de tangible. Chacun sur le terrain peut voir l’exaspération qui monte… Donc c’est juste rendre compte de la réalité que d’en parler. Après, si certains veulent casser le thermomètre pour ne pas voir la fièvre… Et je te rappelle que le FN fait 11% aux européennes de 1984, alors que c’est un groupuscule dont personne ne parle, à l’époque. Et d’un coup, ils font jeu égal avec le PC… Donc ce ne sont pas les médias qui vont inciter les gens à voter FN…

lu sur street press

 

Les 5 de Tinley Park

 

En mai 2012, cinq anarchistes antifascistes sont arrêtés suite à une altercation avec des individus soutenant la suprématie blanche. Cette bagarre s’est déroulée dans la banlieue de Chicago au parc Tinley. Dix personnes chez les racistes furent blessées, dont 3 durent être hospitalisées.

Dans ce parc se déroulait un meeting organisé par le Mouvement National-socialiste (National Socialist Movement), le Conseil de Citoyens Conservateurs (Council of Conservative Citizens) et le Ku Klux Klan. Toutes les trois sont des organisations clamant la suprématie blanche de façon violente.

A noter que deux personnes appartenant à un de ces groupements furent également arrêtées ce jour là, l’une pour possession de pornographie enfantine et l’autre d’une arme à feu.

Dans un premier temps les juges ont refusé la liberté sur caution aux activistes antifascistes accusés. Avant de passer en procès il leur a été proposé de trahir leurs compagnons en échange de leur libération. Ils ont évidement refusé un tel deal.

Début 2013 les « 5 du Tinley Park » plaident coupables pour les agressions dans le but d’obtenir des condamnations plus clémentes et une possibilité de diviser leur peine par deux grâce au « ‘day-per-day’ good time » (chaque jour de bonne conduite réduit la peine d’un jour).

Ainsi Jason Sutherlin est condamné à 6 ans ; Cody Lee Sutherlin et Dylan Sutherlin à 5 ans. Les deux autres, Alex Stuck et John Tucker en prennent pour 3 ans et demi en raison de leur jeune âge et de leur casier judiciaire vierge. Ils sont incarcérés dans des centres de correction de l’État de l’Illinois.

Alex Stuck est le premier relâché fin 2013.

John Tucker lui est relâché au bout de 20 mois et se retrouve libre en mars 2014.

Dylan Sutherlin doit être sorti de prison en juillet 2014. Ainsi l’ABC de Bloomington, l’ABC de NYC et le Sacramento Prisoner Support ont lancé une campagne pour récolter des fonds afin de l’aider une fois libre à pouvoir faire une transition tranquille. En effet, il ne faut pas oublier que soutenir un prisonnier ne se termine pas une fois celui ci sorti. L’État continue bien souvent de le surveiller et à lui imposer un style de vie. De plus, le passage en prison est une chose traumatisante alors se savoir soutenu dans ces moments difficiles ne peut être que bénéfique.

merci aux copains de Marseille pour avoir fait tourner l’info

Vous pouvez lui écrire d’ici juillet pour lui assurer votre soutien :
Dylan Sutherlin M34022
Centralia Correctional Center
Post Office Box 7711
Centralia, Illinois 62801

Pour soutenir les deux derniers des 5, pour leur permettre de tenir le coup, vous pouvez leur écrire aux adresses suivantes :
Cody Sutherlin M34021
Robinson Correctional Center
13423 East 1150th Avenue
Robinson, Illinois 62454

Jason Sutherlin M34023
East Moline Correctional Center
100 Hillcrest Road
East Moline, Illinois 61244

Identitaires: la plongée inédite d’un chercheur infiltré

Le chercheur Samuel Bouron a pu accéder pendant un an aux formations des Jeunesses identitaires. Derrière la stratégie médiatique de ce mouvement, il met à jour son opération de conquête « par le bas », qui consiste à se « mélanger à la masse » et s’intégrer dans les institutions républicaines qu’ils dénoncent. Un travail dont le Front national récolte en partie les fruits.

Porte-parole de la colère des « sans-grades ». C’est ainsi que le Front national et plus généralement l’extrême droite aiment à se présenter. Depuis plusieurs années, ce leitmotiv est repris par médias et sondeurs. Se réclamant de cette légitimité « par en bas », les réactionnaires d’aujourd’hui opèrent un important travail de normalisation qui mélange références de droite et de gauche et s’appuie sur différentes fractions du champ du pouvoir: la haute fonction publique, les fondations culturelles d’utilité publique, la philosophie ou la sociologie académique, le monde des lettres…

Bien au-delà des seuls succès électoraux du FN, la revue Agone explore, dans son numéro 54 à paraître le 13 juin, cette nébuleuse qui constitue le terreau du rôle social que commence à jouer l’extrême droite: reprise des codes de la sociabilité mondaine, diffusion dans les vernissages, les salons académiques, l’édition et la littérature;  développement de réseaux parmi les élites à travers le Club de l’Horloge et le GRECE; formation des Identitaires pour conquérir « par le bas » les institutions républicaines.

À rebours de l’hypothèse du « brouillage idéologique », relayée par nombre de médias, qui soutient que l’extrême droite, et notamment Marine Le Pen, auraient opéré une épuration de leurs membres les plus radicaux pour rendre leur parti « respectable », le chercheur Samuel Bouron démontre dans ce numéro que si l’extrême droite se professionnalise dans le champ médiatico-politique, elle n’a pas rompu pour autant avec le radicalisme politique.

Ce doctorant en sociologie à l’université de Picardie Jules-Verne, membre du centre de recherches CURAPP, a cherché à comprendre comment les militants parvenaient à résoudre cette contradiction. Il a infiltré pendant un an la formation militante des Identitaires, en devenant membre du Projet Apache, la section parisienne des Jeunesses identitaires (lire notre boîte noire). L’objectif: accéder aux « coulisses » de l’organisation, non pas pour « faire un catalogue de déclarations racistes » et « mener une dénonciation morale », mais pour « appréhender la façon dont se structure le mouvement ».

 

Philippe Vardon, l'un des fondateurs du Bloc identitaire, et leader de Nissa Rebela, leur antenne niçoise.Philippe Vardon, l’un des fondateurs du Bloc identitaire, et leader de Nissa Rebela, leur antenne niçoise. © dr

Samuel Bouron a exploré la stratégie « métapolitique » des Identitaires qui consiste à se « mélanger à la masse », à s’intégrer dans différentes institutions républicaines qu’ils dénoncent pourtant, « non pas pour s’y convertir, mais pour tenter de reconquérir “par le bas” un territoire qu’ils auraient perdu ». Il décrypte les piliers de cette stratégie: un modèle organisationnel inspiré de l’appareil communiste, une professionnalisation médiatique pour apparaître « apolitique », une visibilité limitée aux militants qui ont suivi une formation spécifique, dans des lieux autogérés.

Ainsi, les manifestations de la « radicalité » sont devenues plus discrètes en public, comme en témoigne la mise au placard de la panoplie bonehead – en particulier le crâne rasé. Parallèlement, les Identitaires s’inspirent aussi des références de gauche (SOS Racisme, Greenpeace, Act Up, le mouvement décroissant, le mouvement squat19, le groupe Noir Désir, le mouvement antifasciste radical, etc), estimant que le succès politique de la gauche s’explique par son hégémonie dans le secteur culturel.

Ils ambitionnent ainsi d’investir des domaines restés relativement vierges: un Wikileaks identitaire, une application Novopress 20 pour tablettes et smartphones, la création de France Pétitions, un site de sondages, l’ouverture d’un nouveau réseau social en ligne, d’un site de rencontre ethnique ou encore d’un site de soutien scolaire.

Les Identitaires innovent surtout dans la communication, où ils comptent plusieurs professionnels, et excellent dans l’art du « buzz » médiatique (en témoignent leurs actuelles « tournées anti-racaille » dans le métro, leur occupation de la terrasse du siège du PS en 2013, leur « apéro saucisson-pinard » en 2010). Tous les cadres sont formés aux techniques de communication: rédaction d’un communiqué de presse, élaboration d’un site Internet, réalisation d’un modèle graphique pour la création d’une bannière ou d’un pochoir, prise de parole en public. « L’enjeu est de ne jamais faire amateur. (…) Les actions symboliques sont pensées comme des produits de communication à destination des journalistes », explique Samuel Bouron.

Cette stratégie a montré son efficacité dans les médias, mais pas encore dans les urnes: c’est le Front national qui semble récolter les fruits de leur travail. Si Marine Le Pen a refusé toute alliance avec les Identitaires, elle peut s’offrir les services de leurs meilleurs éléments, tout en les tenant à distance des postes politiques les plus gratifiants. Ainsi, Arnaud Menu-Naudin, le rédacteur en chef de Novopress – site dont est à l’origine le Bloc identitaire–, a été recruté en 2014 comme assistant du groupe frontiste au Conseil général de Lorraine. De même, lors du mouvement anti « mariage pour tous », les Identitaires ont pu apporter leur savoir-faire en matière de communication et participer à la structuration du mouvement. À cette occasion, certains ont noué des relations avec Marion Maréchal-Le Pen.

© Revue Agone

Mediapart publie dans les pages suivantes deux extraits de l’article de Samuel Bouron, « Un militantisme à deux faces. Stratégie de communication et politique de formation des Jeunesses identitaires ».

« Les beaux quartiers de l’extrême droite », numéro coordonné par les doctorants en sociologie Samuel Bouron et Maïa Drouard. Parution le 13 juin. 208 pages. 20 euros.

Les caractéristiques des institutions totalitaires

Les Jeunesses identitaires comptent dans la plupart des grandes villes plus de militants que les autres groupes d’extrême droite, tels que le Front national de la jeunesse. Selon Samuel Bouron, la clé de l’engagement dans cette organisation se trouve dans l’existence de lieux militants autogérés, véritable entre-soi hors de portée des journalistes ou opposants politiques, qui contraignent eux en public à « se tenir ».(Les coupes sont signalées par des crochets, les notes de bas de page figurent sous l’onglet « Prolonger »).

Dans les coulisses du théâtre identitaire : l’expérience communautaire

[…] L’entrée chez les Identitaires suit un processus standardisé. Le premier contact s’établit en général par mail, excepté lorsque le nouveau militant est introduit par un membre de l’organisation. Un militant est alors désigné parmi les cadres du groupe pour jouer le rôle de « parrain », qui doit vérifier que les motivations du candidat à s’engager sont à la fois plausibles, cohérentes et conformes à la ligne politique des Identitaires. Un discours ouvertement néo-nazi serait par exemple un motif de rejet. Or, si je suis finalement entré dans le groupe, il m’a fallu du temps, lors de la rencontre avec mon « parrain », pour emporter véritablement son adhésion. Malgré mes efforts pour me renseigner sur ce groupe militant, ma façon de me présenter fut certainement, au départ, trop « institutionnelle » et dépendante de l’image que les Jeunesses identitaires renvoient vers l’extérieur.

Ce récit de mon entrée dans le groupe militant montre la difficulté d’appréhender un discours politique lorsqu’il n’est pas rattaché au système symbolique dans lequel il s’inscrit et dont il tire son sens. La participation au contexte d’énonciation donne alors à voir les principes de vision et de division communs au groupe.

L’étape de formation suivante consiste à participer pendant une semaine à un camp identitaire qui regroupe l’ensemble des sections locales. Cette formation a été mise en place en 2003 par Guillaume Luyt et Philippe Vardon, qui en ont été les premiers dirigeants. Leur projet s’élabore en rupture avec l’amateurisme des mouvements nationalistes, pour qui il suffirait d’attendre un sursaut révolutionnaire pour mener l’insurrection et prendre le pouvoir, ce qui rappelle l’argumentaire de Dominique Venner, cinquante ans plus tôt, dans Pour une critique positive. Selon Guillaume Luyt, « une crise de cette envergure, ça ne se prépare pas qu’au fond d’une cave, d’une arrière-salle de bistro ou d’un sous-bois. Le soulèvement spontané et victorieux d’individus isolés, ça n’existe pas. Car avant l’insurrection, il doit y avoir non seulement “la réforme morale, intellectuelle et spirituelle de quelques-uns”, selon le mot de Maurras, mais aussi la constitution d’une communauté combattante, aguerrie, soudée et identifiée par la masse. C’est précisément à la constitution de cette communauté de combat qu’ont travaillé, une semaine durant, les participants au premier camp d’été des Jeunesses identitaires [27]. » […]

Les camps des Identitaires portent les caractéristiques de ce qu’Erving Goffman appelle les institutions totalitaires, c’est-à-dire « un lieu de résidence et de travail où un grand nombre d’individus, placés dans la même situation, coupés du monde extérieur pour une période relativement longue, mènent ensemble une vie recluse dont les modalités sont explicitement et minutieusement réglées [30] ». Nous, les participants, suivons des activités programmées par la hiérarchie militante, comportant chaque journée un footing de quinze minutes suivi d’étirements, des conférences, une séance de boxe, un atelier pratique (réalisation de matériel militant comme, par exemple, la fabrication de pochoirs), et des veillées nocturnes consistant à chanter autour du feu, ceci exclusivement dans un domaine dont nous ne sortons pas et dans un confort rudimentaire. La discipline est militaire, comprenant un uniforme composé d’un short beige et d’un t-shirt bleu estampillé Identitaires que nous portons tout au long de la semaine, et des mises en rang pour débuter les activités collectives. Tout est fait pour que chaque militant se remette totalement à l’institution et qu’il n’existe plus en dehors des limites qu’elle a tracées.

Aussi, dans le camp identitaire, une multitude de rituels se succèdent pendant une semaine. Les militants qui y participent pour la première fois remplissent dès le premier jour un questionnaire biographique qui porte sur leur parcours : la profession des parents, les diplômes obtenus, la situation professionnelle et matrimoniale, mais aussi l’expérience militante et les différentes ressources mobilisables en politique. C’est sur la base de ce questionnaire qu’a lieu un entretien ultérieur avec les chefs des Jeunesses identitaires, qui vise à retracer tout le parcours biographique de l’individu, jusqu’à son engagement militant. Le questionnaire biographique et l’entretien visent à faire prendre conscience des « trésors » que la personne porterait en elle et de l’importance du « combat » qu’elle devrait mener [31].

Cette rencontre avec les représentants de l’institution est le moment par lequel la vie des militants est censée prendre un nouveau sens, parce qu’on leur donnerait à voir le monde sous un nouvel angle. Comme un personnage de roman, le jeune militant est supposé découvrir qu’il est le détenteur des traditions de son pays, et porte sur ses épaules tout son héritage familial, qui risquerait d’être détruit par l’intrusion d’ennemis bien décidés, dans cet imaginaire, à imposer une culture « différente ». Tout ce dispositif est censé produire « une révélation de soi » chez les aspirants identitaires. Suivant une logique bien connue et déjà décrite pour d’autres institutions totalitaires, l’écrasement en un seul lieu et un seul groupe de tous les domaines d’activités habituellement séparés – le parcours familial, scolaire, professionnel, politique, etc. – est censé remodeler les identités sociales des personnes enrôlées. […]

Le camp identitaire apparaît ainsi comme un espace de repolitisation et de recombinaison des dispositions sociales, où se rejoue en permanence l’opposition entre le monde militant et le monde extérieur. Les nouveaux militants subissent par exemple dans les premiers jours un bizutage : de faux ennemis simulent une attaque du camp, de façon à les mettre en situation de stress.

Contrairement à ce que l’on pense souvent à propos des « institutions totales », on ne devient pas identitaire en subissant un « bourrage de crâne ». On apprend peu de choses par exemple sur Dominique Venner, Alain de Benoist ou encore Guillaume Faye, pour citer des figures intellectuelles qui inspirent le mouvement identitaire. La doctrine n’est pas véritablement transmise explicitement. Mais cela ne signifie pas que l’on n’y apprend rien. Les multiples rituels qui parsèment la vie collective transmettent en fait une certaine vision du monde, parce qu’ils instaurent des divisions fondamentales de l’ordre social [33]. On entre dans une sorte de jeu de rôles où les jeunes Identitaires seraient des héros, posséderaient la force, le courage, la loyauté – autant de dispositions viriles – et entreraient en guerre contre les « déracinés » – ceux qui ne seraient pas originaires de « l’Europe blanche » –, mais aussi les « bobos » et les « rouges », toujours placés du côté de la faiblesse physique et morale. Le processus de socialisation des Identitaires vise surtout à intérioriser progressivement les modes de classification nécessaires pour savoir interpréter et s’orienter dans le monde politique.

Pour ce faire, les thématiques retenues par les cadres puisent largement dans la culture populaire et peuvent parfois aussi s’inspirer de films grand public, tels que Braveheart, 300, Fight Club ou encore Le Seigneur des anneaux. Un camp d’Identitaires a par exemple été consacré à la trilogie de Tolkien en 2012, où un travail de réinterprétation de l’œuvre a été réalisé. Les militants y avaient été invités à s’identifier au personnage avec lequel ils se sentaient le plus en affinité [34]. Dans le cas de Fight Club, qui les renvoie aussi bien au roman de Chuck Palahniuk qu’à sa version cinématographique réalisée par David Fincher, les militants parisiens des Jeunesses identitaires s’inspirent du « Projet chaos » du film pour choisir le nom de leur section : le Projet Apache. Peu importe que le roman fasse explicitement référence à l’anarchisme, il ne s’agit pas d’appliquer directement le scénario du film, mais plutôt de s’inspirer de son style ou de son esthétique dans la construction du mouvement politique.

L’une des règles du film consiste ainsi à se battre dès sa première apparition au Fight Club. Chez les Identitaires, chaque militant participant à son premier camp est invité à se battre en fin de semaine contre un des siens, pendant environ une minute, dans une mise en scène qui rappelle à certains égards le film. Les deux combattants sont placés au centre d’un ring fictif, les autres militants se répartissant tout autour et encourageant chacun d’entre eux. Le degré de violence est moins important que dans le film et des protections évitent les risques de blessure, mais ceux qui participent à ce rite ont le sentiment de faire partie d’une communauté extraordinaire – de ne pas seulement vivre leur rêve d’héroïsme à travers le personnage d’un film, mais bien de l’incarner eux-mêmes. » […]

Un instrument de contrôle « par le haut » des militants

La division du travail militant et ses limites

À première vue, cette stratégie de création de lieux autogérés, clos sur eux-mêmes, semble contredire le projet « métapolitique » de pénétrer les mondes culturel et politique établis. Mais le retrait du monde opéré par les Identitaires est tout relatif. Les Maisons de l’identité sont presque toujours situées au cœur des grandes villes ; et les sections militantes les plus importantes en nombre, mais également en influence au sein des Jeunesses identitaires, se trouvent dans l’espace urbain, c’est-à-dire à proximité des lieux de pouvoir, aussi bien économiques que culturels. Autrement dit, dans leur stratégie de prise de pouvoir, les Identitaires créent des bases de repli au cœur du système qu’ils souhaitent détruire.

De fait, en dépit de son discours régionaliste, la mouvance identitaire se développe assez peu dans les zones rurales, de même que les pratiques traditionnellement présentes dans ces territoires, comme la chasse et la pêche, sont presque inexistantes. Nous n’y avons pas rencontré non plus d’agriculteurs. En outre, les Identitaires ne font pas partie de la jeunesse la moins diplômée ou la plus démunie économiquement. La grande majorité de ses membres étudient à l’université ou y ont obtenu un diplôme. Ils sont familiers d’une culture scientifique et ne se tiennent pas à l’écart du monde de l’industrie culturelle (cinéma, sport, musique, etc.). Le rejet des attributs du mouvement skinhead peut se justifier politiquement par l’idéologie des cadres, mais il renvoie également à un certain mépris (de classe) envers ces derniers – surnommés les « gogols88 [37] ».

Le code vestimentaire adopté prétend à l’inverse faire preuve d’une certaine « tenue », davantage héritière de la présentation de soi qu’adoptent les étudiants en droit du Groupe union défense (GUD) ou des hooligans contemporains que des bandes nationalistes habituellement associées à des « voyous ». Leur style « casual [38] » se rapproche d’un certain dandysme associant un style sportswear, paraissant jeune et décontracté – par exemple, chaussures de sport vintage comme les Adidas Stan Smith – avec un vestiaire plus traditionnel et plus proche de celui des catégories supérieures, recherchant un effet plus « habillé ». Individuellement, les Identitaires sont difficilement repérables par un œil non averti et peuvent tout à fait être hors de soupçon d’un engagement à l’extrême droite, dans leur milieu professionnel notamment. Certains s’amusent de voir leurs collègues, qui ne connaissent pas leurs opinions politiques, déplorer devant eux les idéologies ayant trait à l’extrême droite.

À l’image du choix de la tenue vestimentaire, le style de vie des Identitaires ne consiste pas à seulement rejeter le monde culturel dont ils font partie. Pour ne pas être tenus à l’écart du jeu politique et médiatique, ils en acceptent les règles, les maîtrisent, mais dans le but de les réinterpréter à leur profit. À cet égard, les Maisons de l’identité constituent des espaces dans lesquels ils « peuvent apprivoiser et s’approprier les systèmes de valeurs du nouveau monde dans lequel ils vivent désormais [39] ». Par ce travail de réinterprétation, la doctrine politique des Identitaires n’apparaît presque jamais sous sa forme explicite, elle se donne toujours à voir en contexte, appliquée à des événements du quotidien.

Pour les dirigeants du mouvement, le camp et les Maisons de l’identité sont indéniablement un instrument de contrôle « par le haut » des militants. Nous avons surtout insisté sur le processus de socialisation des nouveaux venus par les différents rituels qui les constituent progressivement comme membres à part entière du groupe, mais ces mêmes rituels servent aussi à sélectionner et à hiérarchiser les militants entre eux. La fin du camp marque ainsi un certain nombre de distinctions qui viennent récompenser l’engagement de quelques-uns pendant l’année qui s’est écoulée. Les dirigeants consacrent la meilleure section et le meilleur militant. Certains sont nommés pour rejoindre le « clan », qui correspond à la strate supérieure du mouvement.

En fait, une séparation s’établit entre, d’un côté, ceux qui dirigent les sections locales, qui reçoivent les informations de la part des plus hauts gradés chez les Identitaires et qui prennent les décisions localement ; et d’un autre côté, ceux qui se limitent à n’être que des « bras militants ». Cet antagonisme est même souligné par l’hexis des militants présents selon les types de manifestations collectives observées à la suite du camp des Identitaires. Plus on se rapproche d’activités intellectuelles, comme les conférences, nécessitant de rester assis sur une chaise pendant un temps prolongé, et plus le public se restreint à un noyau de cadres. Au contraire, plus l’activité se rapproche d’actions collectives, par exemple un concert de rock identitaire français, et plus le public s’élargit à des physiques plus virilistes (crânes rasés, look skinhead, etc.), dont une partie constitue le service d’ordre, mais qui restent à distance du monde médiatique.

Cette hiérarchie ne s’impose pas de façon mécanique, dans le sens où elle imposerait directement à la « base » ses desiderata. Elle contrôle surtout les ramifications locales en gardant un droit de regard sur l’occupation des postes qui ont un accès à l’espace public et aux médias. Par ce système, les militants les moins présentables restent dans l’obscurité du mouvement et, inversement, ceux qui prennent de l’importance parviennent souvent à s’illustrer dans un domaine particulier : sports de combat, musique, communication, etc. ; bref, ceux qui ont des ressources à faire valoir dans les champs médiatique et politique.

S’ils essaient de donner une image contestataire du mouvement, on s’aperçoit que les Identitaires sont en réalité ajustés à la structure sociale du champ politique, séparant eux-mêmes ceux qui ont des ressources professionnalisables de ceux qui n’en ont pas. Ce mode de contrôle instaure toutefois une relative souplesse, qui offre a priori la possibilité de tirer le meilleur des ressources des cadres militants et autorise une certaine division du travail au sein du réseau. Les Lyonnais sont plutôt reconnus pour la qualité de leur communication, les Parisiens plutôt pour leur esthétique d’avant-garde et leurs productions musicales, les Alsaciens et les Niçois, pour la mise en avant de leurs particularismes régionaux.

Beaucoup de militants qui gravitent autour de plusieurs groupes d’extrême droite ne sont que de passage dans les Maisons de l’identité. Ils peuvent par exemple venir au bar ou participer occasionnellement à un cours de boxe. Éventuellement, ils viennent grossir les rangs des manifestations ou de certaines actions, sans pour autant participer au camp des Identitaires et être perçus comme membres de la section. Cet espace flou qui concentre une nébuleuse d’individus mal identifiés politiquement a plusieurs avantages pour les promoteurs du mouvement. Il donne par exemple l’illusion du nombre aux journalistes, ce qui est l’une des conditions pour que certaines actions soient relayées dans les médias. Pour autant, lorsque survient un problème judiciaire, comme une plainte à la suite d’une agression à proximité d’une Maison de l’identité par des individus manifestement d’extrême droite, les cadres du mouvement peuvent se protéger en déclarant que les agresseurs ne font pas partie des Identitaires. De ce fait, comme la structure militante ne tient pas en un seul bloc, son édifice tombe plus difficilement et, au pire, seule la section locale se trouve ébranlée lors d’une accusation judiciaire.

Pour autant, ce type d’organisation présente aussi des limites. Le schéma classique de la carrière politique des Identitaires consisterait à « faire ses armes » au sein des sections jeunes, puis à s’inscrire après avoir atteint l’âge de 30 ans au Bloc identitaire, pour mener un combat plus directement politique. En réalité, les passages de l’un à l’autre sont relativement rares. À l’exception des dirigeants, beaucoup ne prendront pas leur carte dans un parti et une grande partie des militants se désintéresseront même des activités qui les font sortir de l’entre-soi et rencontrer un public à convaincre. Par exemple, quand Arnaud Gouillon nous annonce, lors du camp, que le Bloc identitaire présentera un candidat pour l’élection présidentielle de 2012 (nous ne savons pas encore qu’il est le candidat désigné), ce qui ouvre l’opportunité d’une plus grande notoriété auprès du public, décision prise sans aucune concertation avec les Jeunesses identitaires, l’accueil se montre le plus souvent plus indifférent ou hostile qu’enjoué. Déjà au sein du camp, Philippe Vardon, cofondateur du Bloc identitaire, n’a pas caché sa déception de ne voir que quelques militants se présenter aux cantonales.

En effet, les militants trouvent généralement peu d’intérêt à faire campagne. Rencontrer les citoyens de son quartier pour défendre ses idées, inventer des slogans, organiser des actions de sensibilisation, tracter au marché, trouver un mandataire financier pour gérer les finances, sont autant de démarches qui font paradoxalement figure de « sale boulot ». Participer au jeu politique implique une forme de soumission qui conduit à perdre le sentiment de radicalité conquis au sein d’un espace anonyme, enchanté et obéissant à ses propres règles. C’est aussi le moyen pour quelques militantes d’exister à distance de la sociabilité viriliste. Mais la plupart restent anonymes et prolongent l’autonomie du camp des Identitaires en reproduisant cet entre-soi dans les Maisons de l’identité, les collages nocturnes, les concerts, les soirées privées ou encore les cours de boxe. Le plaisir de l’appartenance à une communauté d’action et de croyance semble se suffire à lui-même.

L’efficacité politique de la stratégie des Identitaires s’avère ainsi, pour le moment, très limitée. La volonté de s’implanter localement pour se présenter aux élections cantonales et prendre la main sur les territoires qui leur sont les plus favorables n’a pas fonctionné d’un point de vue électoral. Par exemple, l’ambition de Nissa Rebela de devenir la troisième force politique niçoise a été un échec, et les candidats des Identitaires font rarement des scores à deux chiffres quand ils se présentent sous cette étiquette. De manière générale, les Identitaires n’ont pas véritablement enregistré d’autres succès que quelques agitations médiatiques et quand il s’agit d’affaire politique, c’est surtout le Front national qui semble récolter les fruits de leur travail. Celui qui voudrait faire une carrière en politique entrevoit en effet peu de perspectives au Bloc identitaire, alors que dans le même temps, la création du Rassemblement bleu Marine autorise l’intégration de ceux que le parti considère comme les meilleurs éléments des Identitaires. […]

Pour réaliser cette « observation incognito » des Jeunesses identitaires, le chercheur Samuel Bouron a récolté en amont un maximum d’informations pour se « mettre à leur place », non pas en passant « par des canaux scientifiques ou érudits » mais par Internet (sur « les sites communautaires à l’intérieur desquels s’expriment les militants, les sites des différentes sections, les profils Facebook ou encore les vidéos présentant les Identitaires et celles rendant compte des camps de formation précédents, donnant des renseignements sur l’idéologie mais aussi sur leur musique, leurs références cinématographiques et leur esthétique »).

Il explique être « entré dans le mouvement en donnant (ses) véritables nom et statut, informations qui présentaient par ailleurs l’avantage d’être vérifiables sur Internet ».« Je n’ai donc pas fabriqué de toutes pièces une identité virtuelle, qui aurait couru le risque d’un déficit d’authenticité », précise-t-il. Mais « pour être plus crédible », il a mis en avant certains aspects de son parcours biographique ou de ses connaissances: grands-parents paysans et « enracinés » dans une région, pratique de sports de combat, etc.

lu dans leur presse payante (et payée ?) mediapart

Les complots, ça existe (après ce n’est pas toujours aussi fantastique que dans les rêves des illuminés)

Ce n’est pas parce que l’on fait disparaitre un mot, que l’on fait pour autant disparaitre la réalité que ce mot désigne. Éléments de réponse à l’article En finir avec les théories du complot.

 

Définition : Complot : n.m : Entente secrète entre des personnes afin de renverser une personne, de prendre le pouvoir, de s’emparer d’une fonction, d’une autorité.

 

Dictionnaire Larousse : Complot : Atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation.
Résolution concertée de commettre un attentat et matérialisée par un ou plusieurs actes. Par extension, projet plus ou moins répréhensible d’une action menée en commun et secrètement.

Il serait donc aujourd’hui à la mode de prétendre que les complots n’existent pas. Et que quiconque parle de complot est un ridicule complotiste.

Ce raisonnement pour ne pas voir la réalité ne relève t-il pas de la politique de l’autruche ? Que se passe t-il, quand devant l’ennemi, on offre ses fesses en se cachant la tête dans le sable ?

Or, ce n’est pas parce que l’on bannit un mot, que disparait la réalité décrite par ce mot. Complot est un mot fort utile : le bannir est idiot. Ce ne serait pas le premier mot ou concept que l’on abandonne à de dangereux idéologues qui en font n’importe quoi.

Pour décrédibiliser le concept de complot, il est donc de bon ton de citer les rumeurs les plus farfelues : complots illuminatis, maçonniques, Rose Croix, sionistes…

On omettra de mentionner dans cette liste les complots ourdis par les extra-terrestres… Ainsi que les innombrables complots fomentés par le grand capital !

Oui, il a existé, et il existe certainement encore, d’authentiques complots. Et ce n’est pas faire du Soralo-Dieudonné que de le dire : Et c’est là que certains se heurtent au faux-problème de l’usage du mot complot.

Le complot, c’est vieux comme le monde

Les complots sont aussi vieux que l’Histoire de l’humanité. Des archéologues ont par exemple retrouvé les traces administratives du procès d’un complot ourdi il y a 3000 ans en Egypte contre le pharaon de l’époque. Pendant des siècles, la Rome antique bruisse de complots. Ainsi que les palais des Borgias. Henri IV et le Duc de Guise ne sont pas morts seuls d’une bête chute de vélo…

Plus proche de nous, tout au long de l’Histoire moderne, des industriels, banquiers, hommes d’affaire de diverses nations ont mis en place des tas de stratégies secrètes (en tout cas pas annoncées publiquement) pour atteindre leurs objectifs : réduire les salaires, réduire les « charges », réduire les droits sociaux, etc. Des objectifs pragmatiques. Pas ésotériques vous remarquerez bien.

Dans les années 30, ce n’était pas que pour les beaux yeux d’Adolf que Ford offrait aux nazis les bénéfices de ses usines allemandes.

Au fait, une stratégie secrète pour prendre le pouvoir, ça s’appelle… comment déjà ?

Evoquons quelques complots célèbres du XXème siècle

La Cagoule a échafaudé un complot qui a échoué. C’est d’ailleurs parce qu’il a échoué qu’on l’a qualifié de complot dans les manuels d’Histoire. Souvenons-nous que si le Front Populaire dissout les ligues, ce n’est pas juste pour embêter des anciens combattants, mais bien parce que tout ces fascistes de l’époque, financés par de grands patrons, complotaient à mort pour renverser la République. Ce qui sera d’ailleurs fait en 40, à l’occasion de ce que certains nommeront « une divine surprise », pas tellement surprenante pour les milieux dirigeants qui y œuvrent depuis les années 20.

Il est évident que la facilité avec laquelle les régimes fascistes prennent le pouvoir en Europe entre 1922 et 1940, que l’écroulement militaire de la France en 40, ne sont pas les fruits d’une série de malencontreux hasards comme on veut bien le dire. Comme cela a été démontré, (de Marc Bloch au général De Gaulle, en passant par Henri Guillemin, jusqu’à Annie Lacroix-Riz), ces drames sont le résultat de stratégies secrètes de grands patrons, industriels et banquiers. Toujours au pouvoir aujourd’hui d’ailleurs. Allez, ne parlons que de Liliane Bettencourt et de son papa (qui le valait bien), qui a financé la Cagoule avec Michelin et compagnie, puis collaboré à fond, sans avoir été puni comme Renault l’a été à la Libération.

Encore un complot made in France : le putsch de De Gaulle, qui en 1958 arrive au pouvoir sur les épaules des parachutistes. Au fait, comment nomme t-on un complot qui réussit ? Hé oui, la Vème République est née dans un coup d’état, certes soft. Ce que l’on ne dit pas dans les manuels d’Histoire, alors que les détails de l’Opération Résurrection ont été racontés par les auteurs de ce complot eux mêmes.

Le 11 Septembre 1973, Pinochet ne prend-il pas le pouvoir au Chili à l’occasion d’un complot organisé avec les USA ? Souvenons-nous qu’Allende, qui faisait confiance à Pinochet, n’a rien vu venir : le secret pour prendre le pouvoir au Chili devait donc être bien gardé. Qui osera prétendre sérieusement que ce putsch n’a pas été préparé lors… d’un complot ?

Pour ne parler que de la CIA, (mais on pourrait tout aussi bien faire la sanglante, occulte et très peu glorieuse histoire de la Françafrique et ses cortèges de dictateurs installés par la France à l’occasion de complots), si vous voulez des complots authentiques made in USA, regardez sur Youtube l’excellente série sur l’Histoire des guerres secrètes de la CIA, produite et diffusée par ARTE : vous y verrez 50 ans d’histoires d’authentiques complots : Iran, Guatemala, Cuba, (Kennedy ?)… Vous entendrez, dans ce doc, des agents et directeurs de la CIA eux mêmes qualifier de complots leurs propres opérations.

Certes, le mot « complot » est miné

Il est encore plus miné depuis que des Dieudo-Soral-Pen s’en sont emparé. Encore plus délicat à utiliser, car il fait tout de suite « délirant » et prête au ricanement illuminati-maçonico-sionisto-extraterrestre.

L’usage délicat du mot complot relève du même faux-problème que celui posé par des analyses exactes énoncées par le FN : que faire quand le FN n’énonce pas un constat erroné ? Que dire quand, au milieu de son discours abject, Le Pen propose une analyse qui tient la route ? Par exemple sur la dictature de l’Europe de Bruxelles, ou sur le coup d’état qui a suivi le référendum de 2005, ou à propos de la complicité UMP-PS. Dans certains milieux de la gauche qui se croit bien pensante, il est interdit de dire qu’un constat exact énoncé par le FN est exact… sous prétexte que c’est le FN qui l’a énoncé. Si Le Pen dit que 4 et 4 font 8, il faudrait, par opposition, décréter que ça fait 9 ?

Or, c’est oublier que l’extrême droite a toujours volé des analyses à la gauche. Hé oui, dans « national socialisme », il n’y a pas que national : Il faut bien ancrer le délire fasciste sur des constats exacts, qui nous sont généralement dérobés.

Il faut d’ailleurs remarquer que le FN s’entoure en ce moment d’intellectuels qui savent causer, piquent certainement des analyses dans le Monde Diplomatique, et font des discours bien au dessus du niveau Le Pen père et fille : on est de moins en moins dans le « Durafour crématoire ». J’ai entendu sur France Culture le jeune Aymeric Chauprade, nouveau conseiller affaires étrangères de Le Pen. Attention, ce n’est pas un crétin inculte. Soral non plus : ne surtout pas les sous estimer, et encore moins leur laisser le terrain de l’analyse ou du vocable. Les discours de ces gens là fonctionnent en deux étapes. 1/ Constat exact. 2/ « Solution » délirante.

Donc, NON. Ce n’est pas parce que Le Pen dit que 4 et 4 font 8, qu’il faut affirmer que ça fait 9. Ce n’est pas parce que des imbéciles parlent de complots absurdes que des complots n’existent pas. Ce n’est évidemment pas ainsi que l’on combat efficacement le discours de l’extrême droite.

Ce n’est pas parce que des Dieudonné et des Soral évoquent des complots délirants que de réels complots n’existent pas

Syndrome et métaphore de ce que je dis : l’excellente série que je vous conseille sur les guerres secrètes de la CIA, est promue sur Youtube par… « Quennelle TV » et « antisystème »… Horrible illustration de mon propos.

Le Pen, Dieudonné et Soral peuvent bien dire ce qu’ils veulent. Mais nous n’avons pas à adapter nos discours en fonction de ce dit l’extrême droite. Nous n’avons pas à nous interdire l’usage de mots utiles, sous prétexte que nos ennemis les utilisent.

Alors, avec son courage à deux mains, on reprend aussi son dictionnaire et ses livres d’Histoire et on ne lâche rien. Pas même un mot.

Jibédé. www.polemixetlavoixoff.com

lu sur la rotative

Illustration : Adolf Hitler en compagnie de Louis Renault au salon de l’auto de Berlin en 1939.

P.-S.

Il y a des tas de ragots sur internet, notamment Wikipedia, concernant l’excellente et très rigoureuse historienne Annie-Lacroix Riz, décriée par des gens qui ne se sont jamais donné la peine de lire ses très sérieux ouvrages sur la collaboration et Vichy. Je suis d’ailleurs effrayé par la façon dont l’Histoire est écrite par des gens d’extrême droite sur Wikipedia qui est devenu LA référence en tout. Bientôt une chronique sur Brothermedia ?
De Lacroix-Riz, je vous conseille notamment le très brillant Choix de la défaite. Vous pouvez aussi écouter ce passionnant entretien en 3 épisodes rappelant comment travaille un historien sérieux :
Avec l’historienne Annie Lacroix-Riz 1/3 « Les archives sont impitoyables ! »
Avec l’historienne Annie Lacroix-Riz 2/3 La Synarchie : une Histoire sous contrôle
Avec l’historienne Annie Lacroix-Riz 3/3 « Plutôt Hitler que le Front Populaire ! »

Aujourd’hui la Grèce, demain en France

Très bon article de quartierslibres,
Peut être un peut marqué par un point de vue national,
Nous nous étions déjà étonné que chez les militants antifas et libertaires
la vision du monde soit encore très conditionnée par cet échelon national
alors qu'à bien observer les fascistes en faces (notamment les zidentitaires) 
ceux ci s'inscrivent sur un niveau plus local pour l'implantation
mais pensent européen pour l'organisation.

Le comité de rédaction en pleine reflexion

 

 

Aujourd’hui la Grèce, demain en France.

Certains nous expliquent qu’en France la révolte se trouve à « droite ». Des mercenaires payés par les mouvements de droite radicale propagent idéologie et mots d’ordres afin d’envoyer notre colère dans le mur ou de la retourner contre nous.

S’il est difficile d’avoir du recul sur la situation présente, il est plus aisé d’avoir en perspective ce que font les droites radicales lorsqu’elles sont en position de force. C’est le cas ailleurs en Europe.

En Grèce, les attaques se multiplient. Voici la dernière en date contre un centre social, c’est à dire un lieu animé par des militants. Cela se traduit concrètement par des familles logées gratuitement sans distinction de nationalité, de couleur de peau.

Nous avons déjà fait écho de la situation économique désastreuse en Grèce, des ravages de la drogue, des attaques contre les immigrés et des réponses des militants antifascistes à toutes les agressions fascistes et racistes.
Puisque les droites radicales prétendent s’attaquer à la pédophilie, il est grand temps qu’ils balayent devant leur porte.
En Grèce, les nationalistes s’attaquent aux enfants d’immigrés qui dorment dans la rue. Ils font bien pire que les battre, ils font le contraire de ce qu’ils racontent sur le net.
Le viol a toujours été utilisé pour assoir une domination, en Grèce les nationalistes sont en position de force. Ils le seront peut-être aussi en France, grâce à la complicité de certaines personnes qui prétendent agir au nom des quartiers.

er-aubedorée

En Grèce, les militants nationalistes sont des auxiliaires de police. En Italie, c’est la même chose. Des mouvements comme Casapound ont attaqué à main armée des centres sociaux lorsque ceux ci étaient seulement occupés de femmes et d’enfants. Ils font le travail de la police.

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soral-gendarmeEn France, Alain Soral  se déclare solidaire d’Aube Dorée et travaille avec Casapound. Il fait toutes ses vidéos avec des maillots de flic ou de maton, parce qu’il est dans le même camps qu’eux. Il fait partie de ceux qui défendent les possédants de manière agressive. Il se donne une allure rebelle mais ne veut pas changer de système économique. Il veut des supplétifs venus de banlieue pour assurer le leadership de la partie la plus conservatrice des dominants français.soral-raid

Tout est sous notre nez, bien plus visible que les illuminatis. Une personne qui insulte gratuitement ou désigne un coupable sans preuve n’a pas raison parce qu’elle hurle. Une personne qui fait du fric sur le sentiment de colère ne peut avoir notre confiance.

Qui se bat contre la Françafrique? Qui lutte pour la cause palestinienne? Qui lutte contre les discriminations? Qui lutte contre l’islamophobie? Qui lutte contre les expulsions locatives? Qui se bat contre les crimes policiers, racistes et sécuritaires? Qui se bat pour la justice sociale et économique?

Certainement pas les nationalistes. Ils ne veulent que le maintient de leur niveau de vie en sacrifiant tout ce qui ne colle pas avec leur vision raciale ou identitaire du monde.

La colère rend aveugle, et ceux qui savent l’instrumentaliser en profitent pour nous détourner de nos priorités pour nous affaiblir en nous divisant et en nous faisant les soldats d’une cause qui n’est pas la nôtre.

Il faut ouvrir les yeux, et vite.

[paris] 9 fevrier ANTIFA

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À l’invitation de La Horde, plusieurs collectifs et individus se sont organiséEs, à l’occasion des 80 ans des grandes manifestations antifascistes de 1934, pour défiler dans les rues de Paris le 9 février prochain. Rendez-vous est donné à 14h place Jules Joffrin pour rappeler que l’antifascisme que nous défendons n’est pas né d’hier, et qu’il dépasse largement le cadre étroit de l’opposition frontale avec les groupuscules d’extrême droite.
Si nous ne laisserons jamais les organisations nationalistes réactionnaires tenter d’imposer leurs idées au reste de la société, nous n’oublions pas non plus les responsabilités de l’État français dans le climat raciste délétère qui pourrit les relations sociales.  Aussi nous nous inscrivons dans le prolongement des mobilisations d’hier contre toutes les formes de fascismes : manifestations contre les ligues fascistes en 1934 ; celles des lycéens et étudiants contre les nazis et Vichy en 1940 ; mobilisations contre le colonialisme et l’OAS dans les années 1950 et 1960 ; pour le droit des femmes à disposer de leurs corps dans les années 1970 ; pour l’égalité des droits et contre les crimes racistes et sécuritaires dans les années 1980 ; pour l’ouverture des frontières et le soutien aux sans-papiers dans les années 1990 ; contre la violence de l’extrême droite dans les années 2000, pour la solidarité internationale…

Toutes les infos
http://lahorde.samizdat.net/2014/01/25/manifestation-antifa-a-paris-le-9-fevrier-lantifascisme-cest-laffaire-de-toutes-et-tous/

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Peu de militants antifascistes au rdv de l’hôtel de france….

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Merci à Rgnr pour les photos

 

Le général hiver avait bien œuvré mais l’horaire n'as pas aidé non plus à motiver la foule à venir. Merci à ceux qui sont quand même venus ! Et quand les responsables du FN considèrent le Poitou comme terre de mission, nous leur répondons : "MISSION IMPOSSIBLE" ... à bientôt, sur le terrain soyons prêt-e-s & organisé-e-s PBA, Commando Rémi Fasol

 

Marine Le Pen à Poitiers : « Nous sommes ici en terre de mission »

 Marine Le Pen, présidente du Front national, aux côtés du candidat FN aux municipales de Poitiers, Alain Verdin. - Marine Le Pen, présidente du Front national, aux côtés du candidat FN aux municipales de Poitiers, Alain Verdin. - Photo Patrick Lavaud
 
Marine Le Pen, présidente du Front national, aux côtés du candidat FN aux municipales de Poitiers, Alain Verdin.

La présidente du Front national était à Poitiers, ce midi, pour soutenir le candidat de son parti aux municipales, Alain Verdin. Marine Le Pen a donné une conférence de presse à l’hôtel de France, tandis qu’une trentaine de jeunes de gauche manifestaient devant l’établissement.

  Prévue à midi pile, la conférence de presse de la présidente du Front national a débuté avec une bonne demi-heure de retard, le trajet en voiture depuis Paris ayant pris plus de temps que prévu.

A 12 h 28, les applaudissements et les « Marine ! Marine !  » résonnent dans le hall de l’hôtel. Marine Le Pen est arrivée. A l’extérieur de l’Hôtel de France, à l’entrée nord de Poitiers, un important dispositif de police (une trentaine d’agents en tenue) vient compléter le service d’ordre du Front national. Il faut dire que plusieurs syndicats et mouvements de gauche ont prévu une manifestation sur place à partir de 13 h, au moment où Marine Le Pen partagera un buffet militant avec ses troupes.

Les Roms, le chômage, l’insécurité

La présidente du FN entre tout de suite dans le vif du sujet, rappelant l’importance, pour son parti, du scrutin municipal : « Il était inenvisageable que je ne vienne pas dans cette région et particulièrement à Poitiers. Nous partons de zéro, dans la région, puisqu’en 2008 nous n’avions qu’une seule liste, en Charente-Maritime, alors que nous allons présenter cette année 8 listes en Charente, 3 en Charente-Maritime, 1 dans les Deux-Sèvres et 3 dans la Vienne et non des moindres puisqu’il s’agit de Poitiers, Châtellerault et Thuré. Cette dernière ville étant chargée de symbole. »

Et d’ajouter :

Je suis convaincue que nous arriverons à passer, à Poitiers, la barre des 10 %. Nous sommes dans des territoires difficiles, des terres de mission où je suis persuadée que nous ferons des bons scores, aux municipales comme aux élections régionales.

La présidente du Front passe ensuite en revue quelques-uns des thèmes de prédilection de son parti, commençant par évoquer la « problématique des Roms » :

« C’est parce que l’UMP et le PS ont voté l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’Union européenne que nous avons une multiplication des camps de Roms illégaux. » Elle évoque ensuite le chômage, l’immigration et l’insécurité.

Des choix politiques assumés faisant écho aux déclarations des Jeunes socialistes de Poitiers, au moment de l’annonce de la venue de Marine Le Pen : « Poitiers, ville d’ouverture et de mixité culturelle, ne doit pas devenir le terreau des réflexions réactionnaires et xénophobes. » Avec d’autres militants de gauche, ils sont venus se rassembler devant l’Hôtel de France, à partir de 13 h.Une trentaine de jeunes communistes et socialistes se tiennent devant l’établissement. Un second rassemblement est prévu à 18 h devant l’hôtel de ville, à l’appel du NPA.

Arthur Giry, le coordinateur des Jeunesses communistes :

A Poitiers, le FN n’existe pas. La venue de Marine Le Pen, ce n’est qu’une opération de communication.

La présidente du FN a ensuite laissé le micro à Alain Verdin, tête de liste du Rassemblement Bleu Marine pour le prochain scrutin municipal. L’ancien policier a rappelé qu’il était spécialiste des questions de sécurité. « J’ai dirigé un centre de formation de la police dans le Val de Marne et je connais très bien Poitiers pour y avoir été policier durant 17 ans, dont 11 ans de CRS. »

« Nous avons été victimes d’invasions »

Le candidat à la mairie a alors balayé quelques-uns de ses thèmes de campagne, notamment en matière d’urbanisme et de transports :

« Contrairement aux projets pharaoniques – je dirais même seigneuriaux – du maire de Poitiers, je rouvrirai certains axes de la ville pour que ce ne soit pas que les bus qui entrent dans le centre-ville. Idem pour la passerelle »,

Quant à la liste FN, il assure qu’elle sera prête à temps :

Il n’y aura pas de candidat de Génération Identitaire sur ma liste. La liste est en bonne voie. Elle sera finalisée. Plus de la moitié est déjà inscrite, voire les deux-tiers. Nous sommes très confiants.

Interrogée sur la symbolique de Poitiers et de la bataille de 732, Marine Le Pen répond : « Bien sûr que je suis attachée à l’histoire de France ; à cet épisode comme à un autre. Nous avons été victimes d’invasions ; nous les avons repoussées. La dernière fois, c’était pendant la dernière Guerre mondiale. »

lu dans leur presse locale , la haine air

Jour de Caca Nerveux (où quand la partie réactionnaire d’un pays entend montrer qu’elle peut faire pire qu’un défillé mélanchoniste)

" Le 27 janvier 1945 l'armée rouge libérait Auschwitz.
 Et hier dans les rues de Paris,
on entendait les fachos gueuler :

 Juifs hors de France. "
(sic)

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« Jour de colère » : bondieuseries et dieudonneries 

Malgré la position officielle du mouvement, les Bonnets rouges étaient nombreux dans la manif…

Malgré la position officielle du mouvement, les Bonnets rouges étaient nombreux dans la manif… Mais faut-il s’en étonner ? (photo : La Horde)

À quoi ressemblait la manif « Jour de Colère » ? On s’est rendu sur place pour en juger, et voici le fruit de nos observations, forcément partielles, mais qui peuvent quand même donner une idée de ce qui s’est passé aujourd’hui. Plutôt qu’un compte rendu exhaustif, quelques impressions.

Il faut d’abord reconnaitre le succès de l’initiative : s’il n’y avait pas 120 000 personnes dans les rues, ce sont quand même une vingtaine de milliers de manifestants qui, malgré une pluie froide et pénible, ont battu le pavé, dans une relative bonne humeur. Beaucoup de jeunes, des slogans plutôt repris, des cortèges bien coordonnés, du monde donc alors que les poids lourds « officiels » de l’opposition de droite au gouvernement (UMP, Front national, Avenir pour Tous, direction des Bonnets rouges) avaient finalement renoncé à s’associer à ce qui s’annonçait dès le départ comme un mélange des plus hétéroclites. On ne vous refait pas la liste, pour l’essentiel, tous ceux qui avaient dit qu’ils viendraient étaient là.

Au premier plan avec le béret, Thierry Maillard, ex OF, ex FN, et son maigrelet Réseau Front Nationaliste.

Au premier plan avec le béret, Thierry Maillard, ex OF, ex FN, et son maigrelet Réseau Front Nationaliste. (photo : La Horde)

Sur quoi les gens présents se sont retrouvés ? On a du mal à croire que Hollande, si peu charismatique, puisse autour de sa personne rassembler autant de mécontents. L’abondance des drapeaux français, la Marseillaise reprise par tous, pas de doute, ces gens-là ont le sentiment de sauver la France du danger qui la menace, chacun mettant derrière ce mot ses propres obsessions : défense de la famille, dénonciation de l’Europe, grogne anti-fiscalité, angoisse du chômage, peur viscérale de la sodomie… L’antisémitisme était aussi fédérateur : malgré les mises en garde au micro des organisateurs sur les propos « diffamants », et si l’euphémisme « sioniste » était préféré en début de manif, le slogan « Juif, la France n’est pas à toi » a été hurlé à pleins poumons boulevard de l’hôpital (cf. vidéo). L’antiféminisme raciste n’était pas en reste : les Femen qui avaient tenté sur le boulevard Henri IV une apparition se sont faites traiter de «putes ukrainiennes » et de « salopes ».

Si en tête de cortège, c’est plutôt classique, avec une banderole « Hollande démission » sans surprise, et une physionomie plutôt vieille France et classiquement réac, la fin du cortège était plus originale… Deux chants dominaient en effet la manifestation : la Marseillaise comme on l’a dit, mais aussi le détournement par Dieudonné du Chant des partisans (« François, la sens-tu, qui se glisse dans ton cul, la quenelle… ».). C’est qu’une partie du dynamisme de la manif était sans conteste assurée par ses partisans, venue défendre leur idole.

si c'est bien des Caryatides dont il est question ds la légende, n'oublions pas qu'il s'agit là de militantes de l'OF (dissoute aujourd'hui), et nous connaissons la place de la femme dans ce mouvement : derrière les mecs ! (photo twittée par  Lauren Provost)

si c’est bien des Caryatides dont il est question dans la légende, n’oublions pas qu’il s’agit là de militantes de l’œuvre française (dont le patron Benedetti est sur la photo le deuxième en partant de la droite) , et nous connaissons la place de la femme dans ce mouvement : derrière les mecs ! (photo twittée par Lauren Provost)

Il y avait en effet différents cortèges thématiques (famille, identité, etc.), dont un consacré à « la liberté d’expression ». Logiquement, les militants d’extrême droite de l’Œuvre française, dissoute cet été, y étaient avec leur potiches des Caryatides, ainsi que la plupart des nationalistes radicaux dont quelques amis de Serge Ayoub, et beaucoup de sans-amis aussi. Mais les pro-Dieudonné avaient prévenu qu’ils seraient là, et ils ont tenu parole : le voisinage des Noirs, des Arabes, des gars lookés « lascars » venus en nombre faire des quenelles en agitant un drapeau français ont laissé plus d’un militant nationaliste dans un état de sidération (car c’est clair que ce n’était pas les petits Blancs présents aussi dans les rangs des fans de Dieudonné qui heurtaient leur sensibilité). Certains puristes ne s’y sont pas trompés : Riposte laïque avait prévenu qu’elle ne défilerait pas avec les pro-Dieudo assimilés à l’islam conquérant, et bon nombre de militants nationalistes ont raillé sur Internet cette compromission avec « les muzz et les nègres » comme ils disent. On peut en effet s’étonner que nos vaillants défenseurs de la race blanche européenne aient laissé sans incident ni même une protestation se faire voler la vedette par ceux-là mêmes qu’ils désignent dans leurs revues et leurs discours comme leurs ennemis héréditaires… L’antisémitisme n’excuse pas tout !

Blague à part, ce qu’on a vu cet après-midi avait tout pour plaire à ceux qui, comme Dissidence française ou Soral et sa clique, tentent depuis des années de rapprocher la France bleu-blanc-rouge de la France black-blanc-beur. On peut remercier Valls au passage d’avoir rendu cela possible en mettant en scène le martyr Dieudonné… Reste à voir ce qu’il en sortira finalement, tant ce « Jour de colère » laisse une impression de grande confusion. Les seuls à être restés cohérents, en définitive, furent les antifascistes qui ont déployé une immense banderole face au cortège dénonçant aussi bien Valls, Marine Le Pen que Dieudonné.

facebookfacebookBanderole des antifas : "Vallas, Marine, Dieudo : tous fachos !"

Banderole des antifas : « Vallas, Marine, Dieudo : tous fachos ! » (photo : La Horde)

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La défaite politique de « Jour de colère »

Avec 17 000 participants recensés par la police au plus fort de l’après-midi, la manifestation « jour de colère », dimanche 26 janvier à Paris, a marqué les esprits. C’est la première fois depuis longtemps, qu’une extrême droite, pour le moins éclatée, mobilise autant. C’est encore la première fois depuis longtemps, que des slogans antisémites, négationnistes sont scandés de manière totalement assumée dans un défilé de cette importance. Sans compter les mots d’ordre violents visant les journalistes et les homosexuels.

C’est la première fois, enfin, que l’ultra-droite, dans ses composantes les plus radicales et les plus racistes, cohabite sans heurt dans un même cortège avec des militants plus métissés, issus de la « Dieudosphère », sous le mot d’ordre de « la liberté d’expression ». Mais ce qui, à première vue, est apparu comme un succès de cette mouvance ressemble pourtant à une défaite politique. Que signifie cette mobilisation ? Doit-on y voir une mutation de l’extrême droite ?

Ce rassemblement était organisé par le Printemps français, étiquette sous laquelle sont réunis depuis près d’un an les éléments les plus radicaux anti-mariage pour tous. L’objectif était de faire « coaguler les colères » contre le pouvoir qui, dixit, « n’écoute pas le peuple, matraque les contribuables, enterre notre armée, libère les délinquants, déboussole nos enfants, pervertit notre système scolaire, réduit nos liberté, assassine notre identité, détruit nos familles ».

Le Printemps français est, dans les faits, structuré par l’Action française (AF, maurrassiens), qui assure toute sa logistique et dont les locaux servent de base arrière. Antirépublicaine et antiparlementaire assumée, l’AF est depuis un an de toutes les actions coup-de-poing et a le vent en poupe.

Le défilé avait reçu le soutien d’une myriade d’associations, pour une part fantomatiques ou liées directement au Printemps français comme le collectif « Hollande dégage » de David van Helmerick , l’un des responsables du PF, le Collectif des avocats libres de Frédéric Pichon ou le Camping pour tous. Mais aussi de divers microgroupes antifiscalité.

Un défilé politiquement marqué

« Quand il y a le feu à la maison, on ne demande pas le CV du pompier », a expliqué Béatrice Bourges, porte-parole du Printemps français et figure centrale de ce « jour de colère » quelques temps avant le défilé. Et de fait, cette fameuse manifestation est devenue le point de rencontre et de jonction de toute la mouvance ultra. Et d’elle seule.

Peu de familles, presque pas d’enfants, une ambiance agressive, tendue et pesante. Et la volonté pour ces militants, dont certains n’hésitaient pas à faire référence à l’Ukraine, d’en découdre, comme ils l’avaient fait en 2013 lors des fins de cortège place des Invalides.

Les catholiques intégristes de Civitas ont ainsi amené avec eux depuis Lyon des activistes du Gud Lyon (proches du  mouvement « philo-nazi » Terre et peuple) et des hooligans. Le Renouveau français, le Gud Paris, les anciens des Jeunesses nationalistes et de l’Oeuvre française – deux organisations dissoutes cet été – étaient également présents.

Si le FN n’appelait pas à cette manifestation et qu’aucun de ses cadres n’était là, un proche de Marine Le Pen, Axel Loustau, était de la partie, comme l’a relevé Mediapart.

Dieudonné avait appelé ses soutiens à participer au défilé. Il a été entendu. Son acolyte, le polémiste Alain Soral, patron d’Egalité et réconciliation, qui se revendique désormais « national-socialiste », avait aussi fait le déplacement avec un groupe d’environ 200 personnes. Certains d’entre-eux brandissaient des ananas – un signe de ralliement à Dieudonné et son chant « Shoahnanas« .

La naissance d’un « bloc brun » ?

Dans son édition du 23 janvier, l’hebdomadaire d’extrême droite Minute prédisait pour ce « jour de colère » la formation d’un « Black Block droitier », composé « de hooligans, de patriotes ou de conservateurs énervés » ayant en commun « l’idée que l’on ne parvient pas à se faire entendre en étant sages et fustigeant la politique rose-bonbon de la Manif pour tous ». Apparemment, Minute était bien renseigné puisqu’en fin de cortège plusieurs dizaines de personnes, encapuchonnés, le visage recouvert de foulards, ont constitué un tel bloc. Il faut dire que les Nationalistes autonomes avaient appelé leurs troupes à rejoindre le défilé.

Visuel diffusé sur les réseaux sociaux

Visuel diffusé sur les réseaux sociaux

Place Vauban, après la dispersion, ils ont affronté les forces de l’ordre avec le renfort de jeunes pro-Dieudonné. En tout, quelques trois cents personnes. Chose inédite, ces deux groupes n’étant ni sociologiquement, ni politiquement semblables. Seuls points d’accord : la « baston » et la haine des juifs.

La fuite des « modérés », l’échec politique de « jour de colère »

La physionomie de cette manifestation, les violences de la soirée ont, après-coup, eu un effet repoussoir. Ceux qui en 2013 fustigeaient « la répression » des fins de « Manif pour tous » n’ont aujourd’hui pas de mots assez durs pour condamner « jour de Colère ». Il en va ainsi d’Ivan Rioufol, chroniqueur du Figaro, qui résume bien l’état d’esprit. « ‘Jour de colère’ a dévoilé la face hideuse d’un France fascistoïde. Il est l‘exemple à ne plus suivre », écrit notamment le journaliste dans un billet.

Car là est bien la défaite politique de « jour de colère ». Il est apparu pour ce qu’il a toujours été : un défilé bric-à-brac d’extrême droite radicale et non le soit-disant mouvement citoyen apolitique et indépendant qu’il prétendait incarner.

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NB: Près de 250 interpellations

Près de 250 personnes ont été interpellées dimanche soir après la dispersion, dont 224 pour « participation à un attroupement armé » et « violences sur agent dépositaire de la force publique ». L’Action française annonce dans un communiqué  15 militants interpellés.

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