Source: http://dailygeekshow.com
Arrangé par les soins du libertaire bisontin
publicité &CopinageSi vous sentez concerné-e par cet article n’hésitez pas à venir nous en parler! Sur poitiers, la bourse du travail des syndicats CNT & IWW tiens une permanence juridique qui acceuille les salarié-e-s chaque jeudi de 17h à 19 h dans leurs locaux, 20 rue Blaise Pascal (arrêt torchaise lignes 5, 7 & 4 ) 05 49 88 34 08
Incontournable, l’activité de nettoyage concerne plus de 200 000 salariés en France. La plupart sont des femmes, sous qualifiées, qui travaillent à temps partiel, souvent au péril de leur santé. En plus des troubles musculo-squelettiques, les agents de nettoyage sont en effet soumis à un important risque chimique, dû à la composition des produits utilisés, et au rythme de travail intense imposé par la concurrence. Pourtant, de sérieuses alternatives existent pour nettoyer sans pétrochimie. Mais elles sont loin d’être généralisées. A quand de véritables mesures pour protéger ces salariés ?
Elle travaille à l’aube, avant que les open space ne se remplissent, ou le soir quand l’atelier s’est vidé : une femme de ménage qui pousse son chariot, d’où dépassent seaux, balais et produits ménagers, quoi de plus inoffensif. Pourtant, elle transporte sans le savoir un cocktail détonnant. « Elle va commencer par prendre un nettoyant pour vitres qui contient plusieurs éthers de glycol », détaille Annie Thébaud-Mony, directrice de recherche à l’Inserm. « Elle va ensuite se servir d’un décapant qui contient des acides forts, puis d’un produit pour dépoussiérer qui contiendra plusieurs produits chimiques. »
Utilisés comme solvants, pour dissoudre les substances grasses, les éthers de glycol permettent à la surface nettoyée de sécher rapidement sans laisser de traces. Ils peuvent entraîner une irritation de la peau, des yeux et du système respiratoire mais aussi, en cas d’expositions répétées, des problèmes neurologiques. L’ensemble de ces toxiques, Annie Thébaud-Mony ne les connaît que trop bien. Spécialiste des problèmes de santé au travail, elle est la co-auteure d’un rapport sur l’identification et la prévention des expositions aux cancérogènes dans les produits de nettoyage.
Ces produits dangereux sont manipulés au quotidien par les salariés du secteur du nettoyage. Le plus souvent sans le savoir. Les anti-calcaires par exemple. Contenus dans la plupart des détergents industriels, ils permettent de contrer l’effet du calcaire présent dans l’eau qui compromet l’efficacité des produits. Mais certains de ses composants [1] sont très irritants pour les yeux ou la peau, et provoquent des troubles intestinaux. On trouve aussi, parmi les toxiques qu’utilisent les « techniciennes de surface », des conservateurs avec formaldéhyde – classé comme « cancérogène certain » par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ). Ou encore les désodorisants. Dans un rapport publié en 2005, le Bureau européen des unions de consommateurs (Beuc) avait relevé que 12 des 74 produits désodorisants testés dégageaient du styrène, un neurotoxique et cancérogène possible. Du toluène – neurotoxique, irritant respiratoire et oculaire – était par ailleurs diffusé par une dizaine de sprays.
« Des études ont mis en évidence un lien entre une apparition ou l’aggravation de l’asthme et l’utilisation de l’ammoniac, de l’eau de javel, et de produits de nettoyage notamment en sprays », note de son côté Nicole Le Moual, épidémiologiste à l’Inserm, spécialiste de la santé respiratoire et environnementale. Ces sprays sont de plus en plus courants. « Ils sont très pratiques mais néfastes pour la santé parce qu’ils entrent plus facilement, et plus profondément dans les voies respiratoires », détaille-t-elle. De plus, les effets respiratoires sont multipliés lorsque l’on fournit un effort physique : les alvéoles pulmonaires sont en effet plus ouvertes et la ventilation plus importante.
Pour évaluer les effets sanitaires des produits de nettoyage, il faut se pencher sur le travail réel – les gestes accomplis pendant le ménage – autant que sur les caractéristiques de chacun des produits. « Découper la réalité du travail en différentes substances chimiques occulte le fait que dans leur activité, les travailleurs sont exposés à plusieurs agents chimiques dangereux, de manière consécutive ou concomitante », explique Annie Thébaud-Mony. « Très souvent, on n’a pas un cancérogène mais deux, trois ou dix. » Les études sur la synergie entre molécules manquent. Mais celles dont on dispose montrent que, au mieux, les risques sont additifs : si on est exposé à deux produits, on a les effets de l’un et les effets de l’autre. « Mais le plus souvent, et notamment pour les molécules cancérogènes, les effets sont multiplicatifs. C’est à dire que le risque n’est pas multiplié par deux mais par 50 ! »
Occupé à 72% par des femmes [2], souvent issues de l’immigration et très déqualifiées, le secteur européen du nettoyage a explosé du fait de la sous-traitance massive de cette activité par les entreprises, les hôpitaux et les administrations. En quinze ans, le nombre d’entreprises du nettoyage ainsi que leur chiffre d’affaires ont été multipliés par quatre en Europe, avec à un taux de croissance annuel de près de 10 % [3]. Les effectifs ont plus que doubler, passant de 1,69 millions en à 3,6 millions [4]. Enfin, un secteur qui créée de l’emploi, se réjouiront certains. Mais quel emploi…
En France, les 15 000 entreprises du nettoyage emploient 250 000 agents et réalisent un chiffre d’affaires de 9 milliards d’euros. Les contrats sont précaires et le travail pénible. 67% de la main d’œuvre est salariée à mi-temps, pour une moyenne de 23 heures de travail par semaine. La très forte concurrence impose aux travailleurs des cadences élevées, le nombre de m2 qu’ils sont censés nettoyer en une heure ne cesse d’augmenter. La recherche de rentabilité à tout prix influe aussi sur le choix du matériel et des détergents, achetés en fonction de leur prix sans attention pour leurs effets sanitaires. Et quand il faut faire vite, il est difficile, voire impossible, de porter les équipements de protection, d’ailleurs rarement fournis par les employeurs.
« Avec un masque, il est impossible de respirer vite », témoigne une femme. Idem pour les gants, qui font perdre en dextérité. Il y a de toute façon une inconscience totale vis à vis du danger, défaut d’information oblige. Une enquête sur les risques chimiques dans le secteur du nettoyage réalisée par le service de santé au travail d’un syndicat espagnol est à cet égard très révélatrice : 28% des personnes interrogées disposaient de la fiche de sécurité des produits utilisés quotidiennement et seulement 17% connaissaient le nom des produits chimiques. 70% en ignoraient les effets à long terme.
« Le risque chimique, c’est relativement abstrait, les effets étant souvent à très long terme constate Denis Grégoire, de l’institut syndical européen (Etui) [5]. La question de la santé au travail n’est pas leur première préoccupation. Souvent, les personnes qui travaillent là n’ont pas le choix. Elles ne peuvent pas s’offrir le luxe d’être trop regardantes sur leurs conditions de travail. Même sur les troubles musculo-squelettiques, elles ne se plaignent pas. Alors que les souffrances sont, en général, déjà là. » Ce que regrettent ces salariés, quand on prend le temps de les écouter, ce sont les horaires et le regard des autres, trop souvent humiliant.
« Il y a une invisibilité socialement construite du travail de nettoyage et des travailleurs, analyse Annie Thébaud-Mony. C’est sans doute la plus dévalorisée des activités avec le secteur de la gestion des déchets. C’est un obstacle majeur à l’identification des risques et des moyens de les prévenir. » Difficile de mener des actions de prévention, alors que les salariés travaillent souvent individuellement, à l’aube ou le soir. Difficile aussi de faire jouer son droit de retrait, en cas d’infraction de la part de l’employeur sur les mesures de protection.
« Et ne parlons pas de l’obtention des attestations d’exposition, ou de la reconnaissance en maladies professionnelles », soupire Annie Thébaud-Mony. Selon la chercheuse, « tant que la France ne se dotera pas par département d’un registre de cancers dans lequel on restitue les parcours professionnels et résidentiels des patients atteints, on se heurtera à de très grandes difficultés en matière de reconnaissance en maladies professionnelles, et la prévention se heurtera à une véritable méconnaissance des facteurs de risques ». Le danger de ces produits est tel que « toute activité de nettoyage devrait être considérée comme susceptible d’exposition à des cancérogènes, justifiant de l’établissement de fiches d’exposition et la délivrance d’attestations ouvrant sur un suivi des salariés concernés. »
Il faudrait aussi rendre la substitution absolument obligatoire. D’autant plus qu’en matière de nettoyage, les alternatives existent. Tensio-actifs d’origine végétale, cire d’abeille, vinaigre blanc, nettoyage vapeur : les recettes dénuées de pétrochimie ne manquent pas. Il en existe même qui sont spécialement dédiées aux professionnels, comme ceux que propose l’entreprise familiale Étamine du lys. « En base végétale, le coût de production est deux à trois fois plus élevé que lorsque l’on travaille avec des molécules pétrochimiques », détaille Bénédicte Gabory, co-fondatrice de la marque. Mais le coût final du lavage n’est pas plus important, assure-t-elle. Au lieu d’avoir 36 produits différentes – un pour chaque usage – on a trois ou quatre produits polyvalents. Le fait qu’ils soient ultra-concentrés, contrairement à de nombreux détergents issus de la pétrochimie, permet d’en mettre beaucoup moins. »
« Il y a un petit surcoût à l’achat, mais que l’on ne répercute pas sur le tarif de nos prestations, et qui n’empêche pas l’entreprise de fonctionner pour autant, loin s’en faut », témoigne de son côté Laurent Rodrigues, directeur de la société de nettoyage Cleaning bio, présente à Montpellier et à Lille [6], qui travaille avec des produits bénéficiant de l’écolabel européen. « Et en terme d’efficacité, on ne note aucune différence avec les détergents plus classiques. » Même les endroits nécessitant une asepsie totale (la stérilisation intégrale d’une surface) pourraient se passer des désinfectants dangereux pour la santé de ceux et celles qui s’en servent. L’ efficacité du nettoyage à la vapeur a ainsi été testée avec succès dans certains établissements de soins, en collaboration avec l’institut Pasteur de Lille.
Cette efficacité « est au moins égale ou supérieure au nettoyage chimique, et même plus importante pour les surfaces rugueuses. Le risque de survenue de résistance microbienne est plus faible qu’avec des désinfectants », relève Suzanne Déoux, docteur en médecine et spécialiste de la santé dans le bâtiment [7]. Côté budget, cela augmente la consommation d’électricité et le temps de nettoyage, mais supprime le coût d’achat des produits. Pour limiter les toxiques qui imprègnent les corps des salarié(e)s, on peut aussi jouer sur les techniques de travail. « L’utilisation de tissus à microfibres sèches ou humides, de balais frangés humidifiés, ou de serpillères bien essorées permet ainsi de limiter l’humidification des surfaces, et de réduire le dégagement de composés organiques volatils (dont certains sont cancérigènes, ndlr) », ajoute Suzanne Déoux. Qui précise que « les produits mal dilués augmentent fortement les émissions d’éthers de glycol et de terpène ». Certaines entreprises sont équipées de matériel de dosage mécanisé pour prévenir ce genre d’exposition, mais elles sont rares.
Qu’est-ce qui motive les professionnels qui décident de « repeindre en vert » les charriots de leurs « techniciens » et « techniciennes » de surface ? « La protection des salariés n’est pas forcément la motivation principale. Ce peut être un bénéfice secondaire », témoigne une entreprise qui commercialise des produits certifiés « Écocert ». « Le prix reste le principal critère de choix de nos clients. Ils sont quelques uns à être intéressés par notre démarche de développement durable et de protection des salariés mais ce n’est pas la majorité », ajoute un professionnel du secteur.
Les luttes syndicales restent donc primordiales, mais demeurent très rares sur cette question. Elles débouchent pourtant parfois sur de vraies victoires. Les salariées chargées de briquer les écoles de Madrid ont ainsi réussi à bannir les produits dangereux ou cancérogènes, qui appauvrissent la couche d’ozone ou excèdent les teneurs limites en composés organiques volatils. Les produits de nettoyage des vitres ne contiennent plus d’éthanol. Et les méthodes de débouchage des canalisations privilégiés seront mécaniques plutôt que chimiques.
« Il n’y a aucun encouragement réel à faire ces changements, déplore Annie Thébaud-Mony. Et sans doute de fortes pressions des industriels de la chimie qui n’ont pas l’intention de se voir priver de l’important marché des produits détergents. » Le très concentré secteur des savons, parfums et produits d’entretien représentaient un chiffre d’affaires de 20,6 milliards d’euros en 2007.
C’est d’autant plus dommage que les travailleurs sont souvent les sentinelles de la santé publique et qu’en prenant soin d’eux, via de véritable politiques publiques, on prévient les catastrophes sanitaires et environnementales. Sur d’autres produits, comme les phtalates, le bisphénol A ou les paraben, la pression a débouché sur des mesures contraignantes. Pourquoi pas pour les salariés du ménage ? « On s’intéresse à eux uniquement quand les membres des classes dominantes rencontrent ces mêmes problèmes de santé… » , déplore Annie Thébaud-Mony.
Nolwenn Weiler pour Bastamag
Photos : CC riadb (une) / Alain Bachellier
[1] EDTA, sel tetrasocique, polycarboxylates…
[2] La majorité d’entre elles sont assignées à des tâches d’exécution, quand la minorité d’hommes du secteur occupe les postes techniques ou les postes d’encadrement.
[3] Entre 1989 et 2006.
[5] Hesamag, le magazine de l’Etui a publié un numéro dédié aux travailleurs du nettoyage au second semestre 2010, coordonné par Denis Grégoire.
[7] Voir son ouvrage Bâtir pour la santé des enfants. Editions Medieco, 2010.
MAJ 24/01/14
l’affiche du Groupe d’Action Unitaire de la Vienne contre l’eXtrème droite
[la presse local relaie le communiqué de la CNT & de l’IWW]
[le patronat ne se cache pas]
Le mardi 28 janvier, Marine Le Pen, la présidente du Front National, se déplace à Poitiers pour une réunion débat de soutien à Alain Verdin, candidat du FN à l’élection municipale de Poitiers.
Comment le gérant du Patio, Samuel Colin, appréhende-t-il la venue de la leader frontiste dans son établissement ? « Quand ils réservent, généralement, les partis politiques ne le font jamais sous leur étiquette. C’est ce qui s’est produit ici. Je n’ai appris que plus tard qu’il s’agissait du Front National et par la presse que c’était pour la visite de Marine Le Pen. A partir de là, il faut faire preuve d’un peu de tolérance contrairement à ce que ce parti prône. A l’intérieur, je ne mettrai rien de particulier en place mais des forces de l’ordre seront en poste à l’extérieur pour la sécurité. Les organisateurs attendent environ 200 personnes pour l’apéritif cocktail. Financièrement, c’est intéressant pour nous et sur un plan éthique, je ne vois pas pourquoi je les aurais refusées. »
lu dans leur presse locale, la nouvelle raie publique
communiqué commun CNT & IWW
Pourquoi s’opposer à la réunion publique du F.N. le 28/01/14 à l’hôtel de France au risque de donner de l’importance à ces gens qui en ont déjà trop eu ?
Au delà du simple réflexe antifasciste, nous savons qu’en plus d’être un agglomérat des courants les plus réactionnaires de l’extrême droite nazionnalle reste surtout le pantin télégénique des partis qui nous gouvernent .
Refusant les pièges du vote utile comme ceux d’un débat naïf avec une minorité fascisante mal implantée par ici, nous ne nous étalerons pas sur une critiques de leurs idées nauséabondes !
Par contre, adeptes de l’action directe et concrète,
nous appelons les travailleu-r-se-s auxquels employeurs pourraient demander de transporter, nourrir, organiser et servir les militants de la haine ordinaire à simplement ne pas participer à l’événement en s’absentant de leurs emplois :
Prise de RTT, Arrêt maladie opportun, où pour ceux qui le souhaitent, utilisation de leur droit de grève grâce au préavis déposé par les syndicats CNT et IWW de la Vienne.
Nous appelons également ceux et celles qui veulent se rendre utiles à téléphoner à l’hôtel de France, la ville de Poitiers pour faire pression afin de faire annuler l’événement.
Nous appelons enfin toutes les personnes se sentant concerné-e-s à venir physiquement sur place pour montrer notre opposition face à l’extrême droite.
RDV le mardi 28 janvier
à 13h00
devant l’hôtel de France
(Zone République, ligne 1 arrêt maison de la formation)
a part les illustrations du premier et dernier article, toutes les illustrations sont issus “Dismayland“, de l’artiste Jeff Gillette, est une juxtaposition des univers complètement opposés de l’art, des favelas et de DisneyLand. Mélangeant des personnages comme Minnie, Daisy ou encore les souris de Cendrillon avec des éléments d’artistes comme Takashi Murakami ou Roy Lichtenstein, le tout dans un univers entre favelas et post-apocalypse. la redac'
Fin novembre, en milieu de semaine, quasi-vide, Disneyland Paris a des bons côtés. De là à y travailler ?
Devant l’attraction pour enfants « Tapis volant », on retrouve Irene, 27 ans, souriante. Jose-Maria, 24 ans, nous rejoindra dès qu’il le pourra. Tous deux nous racontent le quotidien dans le monde merveilleux de Disney, loin de l’Espagne-qui-va-si-mal.
Tout serait parfait si Irene et Jose n’étaient pas en manque de famille et légèrement surqualifiés. Détenteurs d’un bac+5, ils ont été « castés » en septembre dernier par le parc de Marne-la-Vallée. Leur CDI « opérateur animateur d’attraction » a démarré le 15 octobre dernier, pour 1 500 euros brut par mois.
Le taux de chômage des jeunes Espagnols de moins de 25 ans a atteint environ 46% (selon les chiffres Eurostat), alors qu’il est d’environ 21% dans l’ensemble de l’Union européenne, et, à la différence de la France, il touche plus les diplômés. Les cerveaux espagnols partent en Grande-Bretagne, en Allemagne, au Brésil, dans les pays d’Europe du Nord et en France.
En septembre dernier, Disneyland Paris a organisé un casting à Madrid (dans le cadre d’un programme de recrutement européen). Le nombre de postulants était impressionnant : 950 personnes (deux fois plus qu’en Italie). « Il y avait 600 excellents profils, plus de diplômés et des personnes plus âgées que lors des précédentes sessions de recrutement », dit Disney, qui a commencé à recruter en Espagne en 1992. Le prochain casting aura lieu à Alicante, en décembre.
Autre exemple : en avril, l’Allemagne a lancé un programme de recrutement de jeunes ingénieurs espagnols. En quelques mois, 17 000 candidatures ont été remplies, selon l’Agence allemande pour l’emploi.
Petit, Jose-Maria voulait être médecin. Il vient d’un petit village de campagne, au sud de l’Espagne.
Il a finalement fait des études de traduction à l’université de Cordoue (niveau master). Et il est parti parce que la situation de son pays n’est « pas très bonne », dit-il dans un français un peu maladroit.
Il a envoyé des dizaines de CV l’été dernier et n’a eu aucune réponse :
« Je suis réaliste, il va falloir que je passe une bonne période à l’étranger, le temps que ça s’arrange…
Moi, je ne veux pas vivre de mes parents. »
Si la France s’effondre à son tour (il n’y croit pas, il a confiance), il ira ailleurs. Où se voit-il dans cinq ans ? « En Espagne, à traduire des livres contemporains, ce serait bien. »
Derrière lui, il a laissé des copains au chômage. Un agronome, chômeur depuis deux ans. Un autre, architecte, exilé à Londres.
Dans le cadre de ce sujet, un espagnol kinésithérapeute nous a aussi parlé d’un ami doctorant en architecture « qui bosse chez Zara ». (Le syndicat des architectes espagnols dit que 73% de ces professionnels envisagent de s’installer à l’étranger à cause, essentiellement, des conditions de travail précaires et du taux de chômage élevé.)
Irene est une optimiste énergique aux cheveux courts. Le genre agacée par les gens qui se plaignent ou remettent des choses au lendemain. Elle a commencé le français à 12 ans. En Espagne, elle a fait des études de maître d’école.
L’année dernière, elle était prof de français à Madrid (elle regrette un système scolaire espagnol sapé). Elle a choisi de partir en France pour apprendre des expressions courantes, comme « il pleut des cordes ». Mais surtout, Irene souhaitait s’éloigner de ses parents :
« En Espagne, il y a une chose qui s’appelle les parents. Je les aime, mais j’avais besoin d’air. C’est difficile de quitter le foyer : le logement revient au même prix qu’ici, mais notre smic est divisé par deux. On est coincés. Les jeunes de mon âge ne quittent pas le foyer ou vivent en colocation à trois ou quatre. »
C’est un choix. Irene subit moins que Jose. Avec son salaire de prof, elle aurait pu se payer un appartement, mais elle aurait dû serrer toutes les autres dépenses, « j’aurais dû dire au revoir aux petits vêtements ».
Parmi les amis espagnols de Disneyland d’Irene, il y a une fille qui est venue en France parce qu’elle n’en pouvait plus d’être payée au noir à Madrid (sans cotiser pour la retraite).
Un autre, Juan, qui travaillait à « un grand poste » dans une usine de voitures, et qui a fait deux ans de chômage, « a dû tout vendre », avant d’être embauché par Disney. Il travaille à l’attraction « Animagique “, un spectacle avec Donald.
Selon l’Institut national de la statistique (INE), l’Espagne a perdu 36 967 nationaux au cours du premier semestre. 18 838 d’entre eux avaient entre 18 et 45 ans.
Jose Antonio Herce, ancien professeur d’économie à l’université Complutense et membre du conseil des analystes financiers, s’inquiète dans le quotidien argentin Clarin du phénomène d’exil ‘qui s’accélère’ comme dans les années de crise de 1940 et 1950.
La différence, c’est que ces émigrants du XXIe siècle sont, comme Irene et Jose, ‘diplômés, hautement qualifiés et sans famille’.
Une véritable ‘fuite des cerveaux selon la branche espagnole de l’agence l’Interim Adecco :
Le nombre de candidats pour travailler hors d’Espagne s’est multiplié par dix. Ce sont des chiffres surprenants car traditionnellement, les Espagnols n’avaient pas une grande propension à la mobilité géographique.’
Le soir, les Espagnols de Disney tentent de recréer ‘un ambiente’. Ils vivent en autarcie (les Italiens sont parfois acceptés). Ils dînent toujours entre eux par groupe de cinq ou six.
Ils habitent dans des résidences proches du parc, gérées par Disney. A Magny-le-Hongre, à la lisière du golf de Disney, où Jose et Irene sont logés, l’activité nocturne est limitée. Même quand elle va à Paris, Irene est frustrée :
‘En Espagne, on sort la nuit, puis on trouve un after’, et on dort tout le lendemain. Ici, à 2 heures, c’est bon, c’est fini.”
Le matin, Irene et Jose prennent le bus, ligne 34, à 8h05, pour être devant leur attraction à 8h45, quinze minutes avant l’ouverture du parc. Tous les deux travaillent sur les attractions “Tapis Volant” ou “Cars”, selon les jours. Irene préfère “Cars”, parce que la musique est plus supportable :
“C’est du rock, c’est mieux que ‘hin hin hin’ [elle imite la musique de charmeur de serpent de l’attraction ‘Tapis Volant’, ndlr].”
La journée de travail dure dix heures (avec une pause pour le déjeuner à midi, un peu tôt pour eux).
Toutes les quinze minutes, il faut changer de poste sur l’attraction : accueil à l’entrée, démarrage du manège. “Cela permet de ne pas faire toujours les mêmes gestes”, dit Irene. Le cycle – déroulé des opérations pour un tour de manège – est de quatre minutes. Les salariés ne doivent pas être aperçus assis dans les allées. Une question d’image.
Jose trouve le boulot “dynamique” et ne s’ennuie pas, mais il rêve déjà d’être transféré au “Crush’s Coaster” – des montagnes russes dans l’univers du “Monde de Nemo”, attraction plus excitante – ou devenir guide VIP du parc. Ce sont ses ambitions à moyen terme.
Souffrent-ils d’un manque de stimulation intellectuelle ? Irene :
“Il n’y en a pas beaucoup, on a seulement des petites conversations de quelques secondes avec les enfants, mais la journée n’est pas trop longue. J’ai le temps de faire des choses à côté, de parler à ma famille par téléphone. J’ai un week-end de trois jours [elle est aux 35 heures, ndlr].”
Seule chose qui les contrarie : l’uniforme. Manteau bleu électrique, pantalon marron mal coupé et chemises à motifs “moches” (des cavaliers).
Irene tient bon, elle est solide. Sa famille lui manque, mais elle a déjà prévu trois week-ends de retrouvailles d’ici la fin de l’année (“ Vous n’avez pas le même sens de la famille que nous ”). Son petit copain va venir le 31 décembre. “ On va faire une soirée aux Champs-Elysées, avec du champagne ”, dit-elle en dansant.
Jose est, lui, clairement en manque. Il est plus jeune et quand il parle de sa famille, ses yeux s’humidifient :
“J’aimerais retourner les voir, mais je ne suis là que depuis un mois.”
L’idée est aussi de mettre de l’argent de côté : la chambre que Jose loue dans la résidence ne coûte que 300 euros. A la cantine, les repas ne valent que 4 euros, “pour un plateau copieux”, dit la chargée de communication.
lu sur rue 89
y bosser c'est dur mais on peut s'y organiser :
Cyril LAZARO est représentant de la section syndicale CNT Solidarité Ouvrière à Disneyland Paris
Bonjour Cyril. L’actualité est toujours riche à Disneyland Paris, alors où en est-on après la divulgation du rapport de l’Institut du Travail sur les organisations syndicales de l’entreprise, rapport qui reléguait les représentants syndicaux de l’entreprise au rang d’ « analphabètes », selon les dires de la responsable CFDT de l’entreprise ?
Cyril. C’est un bien triste constat, mais c’est un constat réaliste. Le faible niveau des organisations syndicales de l’entreprise a été façonné au fil du temps par la Direction de l’entreprise, et l’on pourrait faire fi de ce bilan si les luttes syndicales nécessaires étaient menées avec le cœur et dans l’intérêt des salariés. Malheureusement, le bilan de l’Institut supérieur du Travail mentionne aussi les querelles intestines, le culte du chef, et si l’on rajoute à cela les malversations du Comité d’Entreprise, il est évident que les salariés n’ont plus grand chose à attendre de leurs représentants et de leurs organisations syndicales.
Tu as milité ces dernières années à la CGT, tout d’abord pourquoi, et quel enseignement en tires-tu ?
Après avoir analysé le fonctionnement de l’entreprise, il me semblait évident que le changement ne pouvait se faire qu’en changeant la représentation CGT de Disney, empêtrée dans le scandale des malversations du Comité d’Entreprise, et dont l’avocat de la CFDT avait déclaré qu’elle était devenue le supplétif de la Direction, ce en quoi il avait parfaitement raison. J’ai donc essayé de changer les choses de l’intérieur, soutenu par de nombreux camarades à l’extérieur que je salue, mais le fonctionnement structurel de la CGT n’a pas permis d’aboutir. Lorsque vous avez une Fédération du Commerce dont dépend le syndicat de Disney qui prend fait et cause en faveur des représentants de Disney (qui sont eux mêmes élus à la Fédération du Commerce), il n’y a pas de possibilité de changement. C’est une façon de verrouiller les choses qui me semble illogique, mais je crois que ce n’est plus le bon sens qui détermine le paysage syndical actuel, et on n’est plus à un non sens près.
Tu as donc décidé de créer la CNT Solidarité Ouvrière à Disneyland Paris…
Tout à fait. Nous sommes à un an des élections professionnelles dans l’entreprise, et je crois que les salariés sont en droit d’avoir une représentation syndicale plus conforme à leurs intérêts.
…/… Lire la suite sur : http://www.cnt-so.org/?Interview-de…
Mais y bosser et lutter syndicalement, ne nous ferais pas oublier la dimention symbolique du lieu avec ces deux articles d'abord une analyse des copains de no passaran :
Dans la stratégie expansionniste des États-Unis, la culture apparaît comme un instrument de domination parmi d’autres. L’objectif est d’élaborer une culture de la consommation en standardisant toute création culturelle. Disney occupe une place centrale dans l’industrie des loisirs et, de ce fait, dans le processus de contrôle et de formatage de nos vies.
Dans Disneyland, le royaume désenchanté, Paul Ariès, chercheur en sciences politiques, chrétien et militant d’un anticapitalisme non radical, nous livre un argument intéressant sur les mécanismes mis en œuvre dans les parcs d’attractions ou de loisirs et démontre que ce type de divertissement n’est pas neutre, imposant souvent à notre insu des représentations intellectuelles et culturelles tout à fait dans l’air du temps. Connaissant ses positions sur l’homosexualité et l’antispécisme, on abordera les propos de l’auteur avec un certain recul ; il ne s’agit bien évidemment ici que d’en dégager l’analyse afin de nous en servir dans notre propre combat de résistance et de contre-culture.
Walt Disney n’a jamais caché son patriotisme – agent spécial du FBI, il aurait été chargé pendant 25 ans d’espionner les contestataires d’Hollywood. On ne s’étonnera pas de ses propos : » Si vous regardiez au fond de mes yeux, vous y verriez flotter deux drapeaux américains ; le long de mon échine monte une bannière rouge, blanche et bleue, les couleurs des États-Unis. « (Walt Disney – p. 13)
Son objectif était de transmettre les valeurs fondamentales de l’idéologie américaine tout en divertissant le client.
L’auteur commence alors par s’interroger sur la culture présente dans ses parcs de loisirs ; véhiculant les valeurs profondes des Etats-Unis, est-elle donc une culture comme les autres ? Autrement dit, s’approche-t-on de la culture étasunienne en fréquentant Mickey, un peu comme on pourrait goûter la culture française en appréciant sa gastronomie, ou la culture italienne en aimant son histoire ou encore la culture africaine à travers sa poésie ? Il n’en est rien ; malgré ses avatars exotiques et sa volonté d’inclure dans ses parcs des personnages de la mythologie locale, le but de Disney n’est pas d’ouvrir à la culture de l’autre mais plutôt de se replier sur ses propres dimensions intérieures. En effet, Disney ne produit pas de l’imaginaire mais de l’affect. Ce qu’il cherche à produire sur son client, c’est de l’émotion, mais en aucun cas il ne vise à développer son intellect. Le conte de fée traditionnel fournit un matériau psychique que l’enfant doit s’approprier ; or Disneyland en détruit inévitablement toute féerie en s’efforçant de susciter de l’émotion à travers ses mises en scène. On peut effectivement constater que dans ses parcs, c’est le spectacle lui-même qui est mis en spectacle : le décor reproduit ce qui était déjà décor et fiction. Ainsi, lorsqu’on sort de Disneyland, on se rend compte que ce qu’on vient de visiter n’existe pas ; on n’y découvre finalement que le souvenir de ses illusions d’enfant. Disneyland n’est autre que le symbole de ce futur collectif régressif.
Mais comment cela fonctionne-t-il ?
Dans ce jeu où jouer c’est acheter, celui qui gagne c’est toujours Disney.
Il faut d’abord savoir que tous les parcs Disney du monde sont construits selon le même plan. On pénètre par une avenue appelée Main Street USA, où les fausses maisons de poupées (qui cachent d’authentiques supermarchés !) instaurent d’emblée la confusion entre le fait de jouer et celui d’acheter. L’enfant est davantage considéré comme un produit d’appel dans cette entreprise et c’est l’ado-adulte qui l’accompagne qui est la véritable cible du marketing Disney. Tout est mis en œuvre pour faire régresser le client (pardon, le » guest « , l’invité dans la novlangue de l’entreprise) jusqu’à cette nature sauvage où il cède à ses caprices. L’économie psychique du parc est toujours parfaitement identique. Afin de légitimer la régression et de déculpabiliser chacun de jouer-consommer, il faut chercher à libérer des fantasmes régressifs comme le désir de possession, par exemple, accompagné dans ce contexte, par celui de consommer. C’est donc bien un monde primitif, propice aux fantasmes, une recherche délibérée de régression vers l’âge de la petite enfance que choisit d’exploiter Disney. Il tente de se faire passer pour une allégorie universelle de l’âme enfantine pour mieux offrir aux adultes un schéma de régression nécessaire à la bonne marche de ses affaires. En quittant Main Street USA, le » guest » n’est déjà plus qu’un enfant du capitalisme conquis à l’idée que le monde n’est qu’une (somme de) marchandise(s)1.
La régression mise en actes
L’objectif est donc de brouiller les différences entre l’imaginaire et la réalité et de simplifier à l’extrême les formes de pensée afin d’obtenir des couples d’opposition tels que bien / mal ou gentil / méchant. En poursuivant l’exploration de Disneyland et des valeurs qui sous-tendent l’entreprise, on débouche inévitablement sur le mythe de la » nouvelle frontière « , mythe étasunien par excellence, qui semble aujourd’hui avoir largement dépassé les limites du territoire US pour s’étendre sur la planète entière, légitimé par la même vision binaire bien / mal, gentil(s) / méchant(s).
Frontierland : c’est la reconstitution du monde des cow-boys et de la conquête de l’Ouest. Il s’agit d’une société de mâles partageant des valeurs machistes avec le culte de l’alcool, du saloon, de la danseuse, de la putain, du shériff, etc… C’est une métaphore de l’homme dur et pur, un univers désinstitutionnalisé où règne la vraie justice, c’est-à-dire expéditive… Sur la frontière, tout homme est porteur de [ses propres] valeurs du bien et du mal et peut se retrouver à chaque instant à avoir à trancher entre ce qu’il trouve juste ou injuste. Or l’universitaire D. Duclos a montré comment ce thème conduit directement au déni des institutions humaines lorsque l’individu devient garant de sa propre liberté : il banalise tout autant la figure du justicier que la revendication du port d’arme. Cette mystique sert aussi à justifier un mode de développement brutal. Elle n’admet en effet aucune limite ni aucune contrainte matérielle. Elle postule l’existence d’un monde infini, inépuisable et exploitable à merci. Elle est l’un des principaux ressort de l’idéologie productiviste responsable du pillage des ressources et des menaces sur l’écosystème. En quittant Frontierland, l’individu ne doute plus que l’homme n’est lui-même que dans un rapport de domination et d’exploitation des autres et de la nature2.
Le déni de justice : Phantom Manor est la parabole du manège de la vie ; les fantômes représentent les perdants de la vie, les gagnants, eux, sont ceux qui ont pris des risques et qui ont su affronter leur peur ; ils se sont enrichis et ont quitté ces lieux maléfiques. Éternels perdants, les fantômes doivent accepter les coups du sort et ne s’en prendre qu’à eux-mêmes.
Ils n’ont pas à se sentir exploités ou dominés, ce ne sont que des perdants et des assistés. Dans cette logique, il n’y a plus de différence entre catastrophes naturelles et sociales : un tremblement de terre, l’explosion d’une usine à Toulouse, la famine, le sida, un plan de licenciements, un éboulement de rochers, l’allongement de la durée des cotisations de retraite, c’est tout pareil ! Les médias sont là pour » naturaliser » les conséquences des décisions des puissants de ce monde : c’est la faute à pas de chance ! Disneyland ne menace pas les puissants. Il apprend à les aimer, à les respecter et à prendre les Maîtres du monde pour modèle. Le monde du travail ainsi gommé, il n’y a plus d’exploiteurs et d’exploités, il ne reste plus que des chanceux et des malchanceux, des gagnants et des perdants…
Idéologie : Bernard Pourprise a eu la curiosité de se livrer à une analyse très fine du journal de Mickey. Il montre, dans Économie et Humanisme, de mai-juin 1971, que 56 % des événements décrits dans les histoires de ce journal, peuvent être considérés comme des défenses actives d’une propriété. Le seul but des personnages de Disney est de rétablir l’ordre existant. Pourprise recense également près de 40 % d’histoires où l’enjeu du récit est ouvertement un enrichissement personnel du héros par la découverte d’un trésor, un gain au jeu, un profit spéculatif ou un héritage. Dans 84 % des cas où le pouvoir apparaît, on peut le qualifier d’oligarchique ou personnel (image du chef unique, du patriarche sage et bon enfant). Il remarque que la relation existant entre les personnages est toujours soumise à un rapport de domination (économique, sexuelle ou générationnelle) et que cette relation s’avère humiliante pour l’individu dominé dans 70 % des cas. Les méchants sont nécessairement laids, tant moralement que physiquement. Son étude fait encore apparaître que les perturbateurs de l’ordre Mickey sont à 59 % des individus menaçant la propriété, à 20,2 % des marginaux non-intégrés, à 7,9 % des révolutionnaires, à 6 % de sexe féminin et à 2,2 % d’une espèce différente.
Pour la bonne bouche, un extrait de ses conclusions : » On ne peut même pas parler de conservatisme doctrinaire, mais plutôt de réflexes réactionnaires viscéraux. C’est le ramassis le plus abject des idées reçues les plus stupides : les indigènes, grands enfants, incapables d’intelligence, dont la seule préoccupation est de chanter et de danser, les pays tropicaux en trouble permanent, les gentils patrons, les ouvriers flemmards ou stupides, les révoltes injustifiées ou sanguinaires, et le communiste, ennemi mortel, qui veut semer la zizanie dans les pays occidentaux (…). Le but avoué ou non des producteurs de Mickey est de faire admettre par leur public comme naturelles ou souhaitables certaines catégories de conduite sociale au détriment d’autres. Chaque fois qu’un individu veut transformer les modes de vie ou l’organisation sociale, sa tentative se solde par un échec cuisant. Dans quelque domaine que ce soit, particulièrement dans celui de la morale et de l’éducation des enfants, chaque idée nouvelle, chaque théorie non marquée par le sceau de la continuité et du conformisme est impitoyablement refusée. Ce respect de la tradition se traduit également par une attitude très positive à l’égard des institutions sociales qui la représentent par nature, et particulièrement, l’armée et l’Eglise « .
Disneyland, l’anti-fête populaire : en général, dans un carnaval, l’usage du masque est un moyen de se dérober et de se cacher afin de braver un interdit. Chez Disney il permet au contraire de s’identifier et de se reconnaître. On porte des oreilles de Mickey pour s’identifier publiquement à lui et en revendiquer les valeurs. C’est la perversion du carnaval, où la subversion est canalisée et l’impertinence collective remplacée par une frénésie consumériste individuelle. La fête devient standardisée, l’imprévu y a perdu toute sa place et toute improvisation s’avère impossible. Les valeurs telles que la générosité, l’égalité, le partage, sont sacrifiées tant pour les clients que pour les salariés au profit de la sacralisation de la compétition, de l’entreprise et du marché. Il s’agit, partout, de s’afficher pour pouvoir s’identifier. Ainsi, l’adepte peut recevoir une nouvelle identité, grâce à des mythes, des coutumes, des sacrifices, le port d’objets fétiches ou des actes de dévotion. Il peut graver son nom sur le sol du parc, habiter la ville Disney ou faire partie des adhérents du club des actionnaires.
Une culture factice tournée vers le futur : en 1986, le gouvernement Fabius accepte de ne pas appliquer intégralement le droit du travail à EuroDisney, transformant ainsi le parc en laboratoire d’expérimentation du néo-management, reposant sur la fragilisation et la déqualification de l’ensemble des personnels ainsi que sur une identité de pacotille (on n’est plus » salarié-e » mais » cast member « , tout le monde se tutoie et s’appelle par un prénom factice, il faut porter l’uniforme en souriant, se soumettre aux critères d’apparence physique de Disney – longueur des cheveux, utilisation calibrée du maquillage et des bijoux – et pratiquer un vocabulaire propre à l’entreprise), bref une socialisation qui correspond aux fantasmes des néo-managers qui rêvent d’instituer une atmosphère de travail telle que les employés se sentent appartenir eux-même au monde magique de Disneyland et qu’ils viennent y travailler pour le plaisir et non plus pour gagner de l’argent.
Disneyland : symbole des loisirs de masse conditionnés
Comme on le voit, les valeurs à l’œuvre dans ces parcs de loisirs sont loin d’être neutres : monde binaire divisé entre les gentils et méchants (l’axe du bien contre celui du mal !), loi du plus fort, machisme, compétitivité, irresponsabilité face à l’écosystème, fatalisme social, primauté de l’émotion sur la réflexion, suprématie de la pulsion, nouvelles formes d’exploitation salariale… Sont-ce là des valeurs universelles ? Disney, comme d’autres marques, contribue par son action au formatage de nos désirs et à l’uniformisation du monde en diffusant un modèle de société qui saccage le milieu, rend les riches toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres. Sachons nous en préserver et en démonter les mécanismes !
Kaocen
Disneyland, le royaume désenchanté, Paul Ariès, éditions Golias, 2002.
1 Profitons-en pour remarquer, que faire régresser le client pour le formater idéologiquement, n’est pas l’apanage de Disney. Il s’agit aussi d’une stratégie commerciale des multinationales parties à la conquête du monde, basée sur l’idée que ce sont les cultures qui instaurent les différences entre les êtres humains (les clients) et qu’il importe donc de s’adresser à l’individu avant que sa culture ne le structure. D’où les campagnes publicitaires tournées vers les enfants – les chercheurs-publicitaires pensent qu’entre trois et quatre ans, les enfants sont déjà capables de distinguer marques et logos – mais aussi la volonté de pérenniser et de développer les fêtes de grande consommation (Noël, Halloween, anniversaires…) ou de faire régresser l’adulte vers un monde d’enfant supposé » pur « , où l’individu est encore affranchi de toute culture. Cf. www.antipub.net
2 Remarquons encore que ni l’esclavage, ni le génocide indien ne sont évoqués dans les reconstitutions » historiques » de Walt Disney. Il s’agit bien de travestir la réalité pour que le reste du monde puisse s’identifier et confondre les intérêts des USA avec ceux des transnationales : un monde sans frontière et sans histoire en somme.
et enfin un article de rue 89 sur le concept de "dirty disney"
Le film a été tourné à Disneyland, avec des iPhone et des appareils photo, en cachette, sans l’accord de l’entreprise américaine. « Escape from Tomorrow » désintègre tout ce qui définit le monde de Disney – son esthétique rose bonbon et son optimisme enfantin – et son souci permanent de contrôler son image. Le réalisateur Randy Moore dit au New York Times :
« Pour moi, Walt Disney était un génie. J’aurais juste souhaité que sa vision ne se mue pas en quelque chose d’aussi cadré. »
« Escape from Tomorrow » n’a, paraît-il, rien de grandiose – aux Etats-Unis, il n’est sorti que dans 300 salles – mais la presse américaine a, ces derniers jours, beaucoup parlé de ce film d’horreur remarqué au dernier festival Sundance.
L’histoire d’un père de famille, Jim, qui balade sa femme et ses enfants dans les attractions de Disneyland sans leur confier ce qui le démoralise : il vient de perdre son boulot.
Scénario terrifiant : Jim finit par égarer sa fille, harceler sexuellement deux ados, voir des monstres partout et se faire laver le cerveau dans une salle secrète, surnommée « Le testicule géant ».
Tourner chez Mickey pour lui faire des misères, ce n’est pas nouveau, Banksy l’avait déjà fait. Mais la sortie de « Escape from Tomorrow » pousse le site Slate.com à s’interroger sur une tradition artistique « longue et bizarre » : « The Dirty Disney » (le Disney dégueu).
Pourquoi donc, depuis des décennies, les artistes s’amusent-ils à mettre une clope dans le bec de Donald, à représenter Jafar et le Capitaine Crochet en train de se rouler des pelles et à transformer Cendrillon en junkie ?
Dès 1967, le dessinateur Wally Wood fait figurer tous les personnages de Disney dans une grosse orgie ; ensuite, Internet a permis au « Dirty Disney » de s’exprimer sous de nouvelles formes : films porno et GIFs d’Alice au pays des merveilles narcotiques.
Le pouvoir comique
Bambi qui fume un pétard, c’est comme une grand-mère sur un skate ou un Académicien en baggy, ça fait rigoler. La définition même de l’absurde, fonction la plus basique de ce genre de détournements.
Sur le Web, on trouve plein de caricatures et de vidéos qui n’ont pas d’autre but que de faire rire. En mettant le Roi lion dans une ferme par exemple.
Lorsque Disney a annoncé qu’il achetait la boîte de George Lucas et préparait un nouveau « Star Wars », les internautes se sont empressés de mettre des oreilles de Mickey à Dark Vador et un sabre laser entre les mains de Donald.
Le pouvoir politique
« Dismayland » est une série d’illustrations de l’artiste Jeff Gillette, qui place les personnages de Disney dans des bidonvilles. Il dit :
« L’intrusion de Mickey Mouse dans une œuvre crée le sentiment troublant qu’il y a quelque chose qui ne va vraiment pas. »
Le monde de Disney incarne une conception simpliste du bien. Les gentils gagnent à la fin et les princes trouvent leur princesse.
Les artistes et les intellectuels s’attachent à démontrer que c’est trop beau pour être vrai, que le monde ne ressemble pas à ça. En représentant des Cruella qui sniffent et des princesses battues, le Mexicain José Rodolfo Loiza Ontiveros dit vouloir remettre en cause le principe du « tout est bien qui finit bien ».
Il n’y a pas que les artistes, des intellectuels s’évertuent aussi à démontrer la perversité du modèle Disney. L’historienne des idées Françoise Gaillard le conçoit comme « un royaume magique qui expurge la mort de la vie, qui ignore le sexe, qui a la phobie de l’organisme, et qui est en proie à une obsession hygiénique et sécuritaire ».
Dans « Disneyland, le royaume désenchanté » (éd. Golas, mars 2002), Paul Ariès, chercheur en sciences politiques, s’attaque aussi aux paradoxes de Disney.
Le monde de Disney est un paradoxe inspirant : symbole du modèle américain – fric et bien-pensance – défendu avec fermeté : une entreprise très procédurière qui attaque en justice dès qu’on touche à ses droits d’auteur, d’où le caractère transgressif de la démarche d’« Escape from Tomorrow ».
Pour l’instant, Disney n’a pas décidé de poursuivre le film, pour ne pas lui faire de publicité.
La fonction psychanalytique
Auteur de la bande dessinée « Pinocchio » (éd. Requins marteaux, septembre 2012) dans laquelle le héros est un robot vendu comme arme de guerre et Jiminy un cafard qui devient SDF, Winschluss explique :
« Petit, on vous promet des choses, comme “ liberté, égalité, fraternité ”. Aujourd’hui, on vous dit “ travailler plus pour gagner plus ”. Et quand on grandit, on ressent un vrai sentiment de tromperie. »
C’est la fonction philosophique, voire psychanalytique, du « Dirty Disney ». En salissant ce monde rêvé, on représente celui des adultes, on en devient un.
Il existe une série de vidéos parodiques (en anglais) où les princesses de Disney donnent des conseils cyniques aux adolescentes pour qu’elles ne se fassent pas avoir par les hommes.
Dans un article titré « Pinocchio : scène primitive, fantasmes et théories sexuelles infantiles », Christophe Bormans décrypte les théories sexuelles infantiles présentes dans le « Pinocchio » de Disney. C’est une lecture classique de tous les contes. D’autant que chez Disney, souvent le parent meurt (« Le Roi Lion », « Bambi », « Cendrillon », « Blanche-Neige »…).
L’article de Slate constate, amusé, que pas mal d’anciens acteurs des productions Disney passent ou sont passés par des phases décadentes pour devenir adultes.
« Il y a un air de famille entre “Escape from Tomorrow” et les carrières des anciennes actrices de Disney Britney Spears, Lindsey Lohan et Miley Cyrus : leurs comportements hypersexualisés perforent la vieille façade Disney. »
« On ne peut pas être heureux tout le temps », dit un personnage vers la fin de « Escape from Tomorrow ».
C’est ce qu’a reconnu avoir déclaré le directeur régional du Crédit Lyonnais en Poitou-Charentes en septembre 2012. Il admet une maladresse, mais nie toute discrimination. La CGT compte saisir le procureur de la République pour « des propos discriminatoires ».
« Il faut arrêter d’ouvrir des comptes aux Blacks à Poitiers. » Tels sont les propos « maladroits » qui ont été tenus par Olivier Chasseriaud, le directeur régional du Crédit Lyonnais en Poitou-Charentes, en marge du CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), et qui ont ému la représentante de la CGT. Elle a donc alerté ses cadres. Cela remonte au mois de septembre 2012.
Trois mois plus tard, en décembre, le délégué syndical national CGT, a adressé un courrier au banquier poitevin pour lui demander des explications. La réponse est arrivée le 14 janvier. En préambule, Olivier Chasseriaud s’y dit personnellement étranger à toute forme de racisme et d’intolérance, mais confirme qu’il a employé « avec une totale maladresse, une expression tout à fait inappropriée ».
La CGT compte saisir le procureur
Il explique que la discussion portait sur l’ouverture de comptes bancaires aux étudiants étrangers qui ne restent que quelques mois sur le territoire français, ce qui représente « la majorité des ouvertures de comptes sur Poitiers ». Il assure également « qu’elle ne recouvre aucune démarche discriminatoire de ma part ».
Joint au téléphone, Olivier Chasseriaud n’a pas souhaité en dire plus : « On s’est expliqué, ça s’est solutionné. » La CGT a néanmoins diffusé un tract auprès des salariés de LCL pour le Sud-Ouest. Et à Poitiers, le secrétaire de la CGT du Crédit Lyonnais, Alain Bozier, compte saisir le procureur de la République pour dénoncer « des propos discriminatoires ».
Du côté de la direction parisienne, on reconnaît « le propos maladroit« de son directeur régional.Elle évoque le contexte : « Une agence de la ville a été victime de plusieurs découverts qui n’ont pas été régularisés, sur des comptes d’étudiants étrangers qui avaient quitté la France. Aucune consigne discriminatoire n’a été donnée, mais nous avons décidé d’être plus attentifs aux ouvertures des comptes« .
Les syndicats compromis par la signature de l'ANI se plaignent qu'ils ne pourront pas feter le 1er mai avec leurs copains car ils craignent de se faire traiter de jaunes! Mais on ne dirais pas qu'ils se remettent en compte, alors n'hesitez a vous rappeller que ce jour là en tant que jour ferié et les acquis associés s'est gagné dans le sang ! Pas dans des réunions où des organisations se sont pliés devant l'etat et les patrons. Alors demain malgrès la pluie, malgres l'ANI rejoins nous à 11h00 Place d'arme mercredi 1er mai
Le 1er mai,son muguet,[note de la redac = le muget c’est un ajout des années 40′] son jour férié… et ses manifestations. Défiler est une tradition pour la Fête du Travail chaque année.
Mais les cortèges sont divisés cette année : les 4 syndicats qui ont signé l’accord national interprofessionnel (ANI) refusent de manifester avec deux autres, la CGT et Force Ouvrière. Ils se disent victimes d’insultes, depuis la signature de l’ANI.
La CFDT, l’UNSA, la CGC et la CFTC appellent donc à ne pas défiler.
http://www.francebleu.fr/player/embed-share?content=525634
( Véronique Estevenet, secrétaire de la CFDT 86)
A Poitiers, deux manifestations sont prévues ce 1er mai : La CGT et Solidaires se rassemblent place Leclerc à 11h. Force Ouvrière réunit ses troupes, place de la liberté à 11 h. Des manifestations sont prévues aussi à Loudun, Châtellerault et Chauvigny.
lu et entendu sur france bleu poitou
Qu’elle soit interdite où fériée, cette journée de luttes internationale puise son origine dans l’histoire du mouvement anarchiste, ce qui, au-delà des simples revendications, lui confère une véritable quête d’émancipation et de liberté.
Le samedi 1er mai 1886, à Chicago : cette date fixée par les syndicats américains et le journal anarchiste « The Alarm » afin d’organiser un mouvement revendicatif pour la journée de 8 heures, aura des conséquences inattendues pour la classe ouvrière internationale. La grève, suivie par 340 000 salariés, paralyse près de 12 000 usines à travers les USA. Le mouvement se poursuit les jours suivants; le 3 mai, à Chicago, un meeting se tient près des usines Mc Cormick.
Des affrontements ont lieu avec les « jaunes » et la police tire sur la foule, provoquant la mort de plusieurs ouvriers. Le 4 mai, tout Chicago est en grève et un grand rassemblement est prévu à Haymarket dans la soirée. Alors que celui-ci se termine, la police charge les derniers manifestants. C’est à ce moment là qu’une bombe est jetée sur les policiers, qui ripostent en tirant. Le bilan se solde par une douzaine de morts, dont 7 policiers. Cela déclenche l’hystérie de la presse bourgeoise et la proclamation de la loi martiale. La police arrête 8 anarchistes, dont deux seulement étaient présents au moment de l’explosion. Mais qu’importe leur innocence; un procès, commencé le 21 juin 1886, en condamne 5 à mort; malgré l’agitation internationale, ils seront pendus le 11 novembre, sauf Lingg qui se suicidera la veille, dans sa cellule.
Trois ans plus tard, en 1889, le congrès de l’Internationale Socialiste réuni à Paris décidera de consacrer chaque année la date du 1er mai : journée de lutte à travers le monde.
Le « 1er mai » sera d’abord récupéré par la révolution bolchevique, puis par les nazis, et enfin par le régime de Vichy qui le transformera en « Fête du travail », sans jamais réussir totalement à lui enlever son origine libertaire.
Le 1er mai 1890, à Vienne (département de l’Isère), la population ouvrière répondant à l’appel des anarchistes Louise Michel, EugèneThennevin, et Pierre Martin descend dans les rues pour inciter ceux qui travaillent à se mettre en grève. Le cortège arborant drapeaux rouges et drapeaux noirs et chantant « la Carmagnole » ne tarde pas à se heurter aux « forces de l’ordre ». Des barricades sont érigées, l’usine d’un patron du textile est pillée, mais les meneurs sont arrêtés. Des grèves spontanées se poursuivront durant une semaine.
De nombreux 1er mai seront marqués par des événements tragiques, comme à Fourmie (France) en 1891, où l’armée tira sur la foule, faisant 10 morts parmi les manifestants.
Le 1er mai 1907, à Paris, durant la manifestation, l’anarchiste russe Jacob LAW, né à Balta en 1887, tire 5 coups de revolver du haut de l’impériale d’un autobus sur les cuirassiers. Arrêté, il sera condamné à 15 ans de bagne en Guyane, d’où il sera libéré le 10 mai 1924. Toujours anarchiste, il publiera, en 1926, ses souvenirs : « Dix-huit ans de bagne ».
Le 1er mai 1936, Espagne, sortie du premier numéro de la revue culturelle et de documentation sociale : « Mujeres Libres », organe et porte-parole des militantes anarchistes féminines espagnoles et de leur mouvement d’émancipation M.M.LL.
La revue, née deux mois avant que n’éclate la révolution, s’imposera rapidement par la qualité de ses textes et l’esprit révolutionnaire qui l’animera jusqu’en octobre 1938, avant que la défaite ne contraigne les militantes à la mort ou à l’exil.
Le 1er mai 1968, à Paris. Lors de la traditionnelle manifestation, des bagarres éclatent autour du drapeau noir lorsque des communistes tentent d’exclure les anarchistes du cortège.
Le 1er mai 1990, à Paris, la station de métro « Stalingrad » est rebaptisée « Commune de Kronstadt » par le groupe libertaire Commune de Paris. » S’il y a faillite des idéologies, ce n’est pas le cas de nos idéaux reposant sur la liberté de chacun, l’égalité pour tous, l’entr’aide et le fédéralisme autogestionnaire. »
Ainsi s’appelle l’organe officiel d’organisation de la manifestation internationale du 1er Mai. Dans son édition de 1895, Jules Guesde explique ce qu’il faut entendre par ce qu’il appelle le jour social de huit heures: «Ce que nous revendiquons, c’est une loi qui interdise de faire travailler plus de huit heures par jour.» Autrement dit, huit heures de travail, huit heures de repos et huit heures pour s’instruire et cultiver son corps.
Parce qu’«un travail manuel trop prolongé non seulement ruine la santé mais en l’empêchant de cultiver son intelligence porte atteinte à la dignité de l’homme», la IIe République par voie de décret réduit d’une heure la journée de travail. Elle passe à dix heures à Paris et à onze heures en province.
Sous la pression du patronat ce décret est abrogé quelques mois plus tard, soit le 9septembre 1848.
Le gouvernement américain accorde, en 1868, la journée de huit heures à tous les journaliers, ouvriers, artisans, employés par l’administration fédérale.
A l’occasion du IVe congrès de l’American Federation of Labor qui se tient à Chicago en 1884, pour la première fois dans l’histoire du mouvement ouvrier est lancée l’idée d’organiser une manifestation un 1er mai afin d’aboutir à la journée de huit heures. Les congressistes de l’époque ambitionnent d’atteindre leur objectif le 1er mai 1886.
Le 1er mai à Chicago éclate une grève. Elle sera suivie le 3 mai d’une manifestation des grévistes qui sera violemment réprimée par la police. Le bilan officiel des victimes sera de 6 morts et 50 blessés. Le lendemain au cours d’une grande manifestation de protestation une bombe est lancée contre les forces de police, lesquelles tirent sur la foule. Jamais le bilan exact des victim
es ne sera communiqué. En revanche des militants seront par la suite arrêtés, condamnés sans preuve et exécutés.
C’est à Paris l’année même du premier centenaire de la Révolution française que blanquistes et guesdistes tiennent au 42, rue Rochechouart, salle des Fantaisies parisiennes, le deuxième congrès de l’Internationale socialiste. Ce congrès décide qu’il sera«organisé une grande manifestation à date fixe de manière que dans tous les pays et dans toutes les villes à la fois, le même jour convenu, les travailleurs mettent les pouvoirs publics en demeure de réduire légalement à huit heures la journée de travail et d’appliquer les autres résolutions du congrès. Attendu qu’une semblable manifestation a été déjà décidée pour le 1er mai 1890 par l’Afl, dans son congrès de décembre1888 tenu à Saint Louis, cette date est adoptée pour la manifestation.»
Dans une petite ville du nord de la France, une manifestation pacifique se rend en cortège à la mairie. La troupe, équipée des tout nouveaux fusils Lebel et Chassepot d’une portée de tir supérieure à deux kilomètres, tire à bout portant sur la foule. Parmi les morts, huit victimes ont moins de vingt et un ans, dont la jeune ouvrière Marie Blondeau et un jeune conscrit du nom d’Edouard Giloteaux. Habillée de blanc et les bras couverts de fleurs, Marie Blondeau restera longtemps dans l’imagerie populaire comme une sorte de Vierge profane.
La fin de la Première Guerre mondiale va sonner en deux temps l’avènement de la journée de huit heures. D’abord la loi du 23avril sur les huit heures est publiée au Journal officiel de la République française le 25avril. Ensuite, le 22 juin est signé (pour la France par Georges Clemenceau, par le président Wilson pour les États-Unis et par Llyod George pour la Grande-Bretagne) le traité de Versailles qui fixe dans son article247 «l’adoption de la journée de huit heures ou de la semaine de quarante-huit heures comme but à atteindre partout où elle n’a pas encore été obtenue». La fin de la guerre est aussi l’occasion de mettre en place la SDN (Société des nations) ainsi que l’Organisation internationale du travail (OIT). Si la SDN a été remplacée, depuis, par l’Onu, l’Oit, elle, a survécu au second conflit mondial.
Dès lors les manifestations du 1er Mai porteront d’autres revendications que la journée de huit heures tout en poursuivant ce grand rêve prolétarien de l’époque: la société libérée du travail contraint.
En attendant que le droit à la paresse revendiqué par le gendre de Karl Marx soit établi, le mouvement ouvrier va partir à la conquête des congés payés.
C’est sans aucun doute à l’occasion du congrès que tient la Cgt en 1926 (une partie de ses membres est allée fonder la Cgt-Unitaire) qu’apparaît pour la première fois la revendication des congés payés pour tous les salariés (certaines professions les ont déjà obtenus). C’est également en 1926 que la Cgt prend position en faveur des assurances sociales. Une question qui n’avait rien de consensuel puisqu’à l’époque des syndicalistes étaient contre toute cotisation payée par les salariés.
Dans l’histoire sociale et politique allemande ce 1er Mai 1929 restera marqué d’une pierre noire. Les manifestations sont interdites à Berlin par le préfet Zoot Giebel. Les manifestants passent outre l’interdiction. La répression sera sanglante. Elle fera trente-trois morts et deux cents blessés. La division entre les communistes et socialistes est à son comble.
Dans l’histoire du 1er Mai l’année 1936 est certainement une des plus importantes. Plusieurs événements vont la marquer. D’abord dès le mois de mars se tient du 2 au 6 mars le congrès au cours duquel la Cgt se réunifie. Ensuite la manifestation du 1er Mai tombe deux jours avant les élections législatives qui vont porter au pouvoir les forces politiques du Front populaire. Enfin après un mouvement de grève mémorable sont signés en juin les accords de Matignon qui légalisent la semaine de quarante heures, les congés payés ainsi que les conventions collectives. L’année suivante le 1er Mai 1937 aura lieu sans doute la plus grande manifestation jamais organisée en France.
Si la notion de fête du Travail n’est pas une invention de la génération des années quarante puisqu’on trouve cette formule sous la plume de Jules Guesde dès 1890, c’est bien le gouvernement de Vichy qui fait du 1er Mai 1941, par la loi Belin, un jour chômé et payé. Le 1er Mai devient «la fête du Travail et de la concorde nationale». L’idée de légaliser cette journée de manifestation internationale sera reprise à la Libération mais avec un tout autre but que la promotion de l’ordre corporatiste.
En avril 1947, sur proposition du député socialiste Daniel Mayer et avec l’accord du ministre du Travail, le communiste Ambroise Croizat, le 1er Mai devient dans toutes les entreprises publiques et privées un jour chômé et payé. Cependant le 1erMai ne sera pas assimilé à une fête légale.
Alors que la guerre d’Indochine se termine pour les autorités françaises avec la partition du Vietnam, une autre guerre, une guerre sans nom commence en Algérie. Elle va durer huit ans.
Dès lors les manifestations seront interdites dans Paris. Celle du 1er Mai 1954 se transformera en un rassemblement sur la pelouse de Reuilly. Il faudra attendre quinze années c’est-à-dire 1968 pour qu’à l’initiative de la Cgt, à nouveau, le monde du travail se donne rendez-vous dans les rues de Paris pour défiler un 1er Mai. Le cortège partira de la République pour se rendre à la Bastille symbole des libertés recouvrées. Depuis, les cortèges du 1er Mai ont connu des fortunes diverses. La manifestation la plus importante de l’après-mai 1968 fut probablement celle de 1975, qui fut prétexte à fêter la fin de la guerre de Vietnam.
Les illustrations proviennent de la bande dessinée de Phil Casoar et Stéphane Callens: Les aventures épatantes et véridiques de Benoît Broutchoux (ed. Humeurs Noires & Centre Culturel Libertaire de Lille)
texte lu sur anarchie.be
Le 3 mai, une manifestation fait trois morts parmi les grévistes de la société McCormick Harvester, à Chicago. Une marche de protestation a lieu le lendemain et dans la soirée, tandis que la manifestation se disperse à Haymarket Square, il ne reste plus que 200 manifestants face à autant de policiers. C’est alors qu’une bombe explose devant les forces de l’ordre. Elle fait une quinzaine de morts dans les rangs de la police.
Fondée en 1881, l’ancêtre directe de l’AFL [1], la FOTLU [2] ne regroupe que les ouvriers qualifiés (des hommes, blancs et américains de souche) et ne compte que 50 000 adhérents. Mais lors d’un congrès elle décide de mettre au premier plan de ses revendications la journée de huit heures et de retenir la date du 1er mai 1886 pour une manifestation de masse. Commence alors une immense campagne de propagande qui renforce l’organisation. Dès avril 1886, quelques entreprises accordent même à leurs salariés la journée de huit heures sans diminution de salaire : 200 000 travailleurs environ bénéficièrent d’une réduction de travail.
En 1886, les Chevaliers du Travail (fondé en 1868 avec de fortes références maçonniques [3]) rassemble tous les travailleurs au niveau d’une localité, Blancs et Noirs, femmes et hommes, Américains de « souche » et immigrants : ouvriers qualifiés et non, ils représentent plus de 700 000 adhérents. Les adhérents de l’Ordre jouèrent le rôle principal dans la grève du 1er mai 1886, bien que la direction de l’Ordre l’ait condamnée. Les responsables et les militants des Chevaliers du Travail furent les principales victimes de la répression après le massacre de Haymarket, bien que la direction de l’Ordre ait refusé d’intervenir en faveur des condamnés de Chicago. Les Chevaliers du Travail allaient par la suite rapidement péricliter.
L’initiative des ouvriers américains n’aurait eu qu’un faible retentissement dans le pays et à l’étranger sans les événements tragiques de Chicago qui émurent le monde entier.
Sûrs de l’impunité, les milices patronales provoquaient des incidents sanglants. Le 3 mai, des ouvriers qui manife devant l’usine de machines agricoles Mac Cormick, à Chicago sont tirés à bout portant par des détectives privés, la bataille qui s’engage fait de nombreuses victimes. Les grévistes sont principalement d’origine allemande et, dans leur journal « Arbeiter Zeitung » (Journal des Travailleurs) paraît l’appel suivant :
« Esclaves, debout ! La guerre de classes est commencée. Des ouvriers ont été fusillés hier devant l’établissement Mac Cormick. Leur sang crie vengeance. Le doute n’est plus possible. Les bêtes fauves qui nous gouvernent sont avides du sang des travailleurs, mais les travailleurs ne sont pas du bétail d’abattoir. A la terreur blanche, ils répondront par la terreur rouge. Mieux vaut mourir que de vivre dans la misère. Puisqu’on nous mitraille, répondons de manière que nos maîtres en gardent longtemps le souvenir. La situation nous fait un devoir de prendre les armes. »
Dans la soirée du 4 mai, plus de 15 000 ouvriers se rendent sur la place au foin (Haymarket) pour y manifester pacifiquement (il leur avait été commandé de s’y rendre sans armes). Des discours sont prononcés, notamment par Spies, Parsons, Fielden. La foule se retire, quand une centaine de gardes nationaux charge avec violence. Une bombe, lancée on ne sait d’où, tombe au milieu des forces de police en tuant sept et en blessant grièvement une soixantaine. Les autorités procède à des arrestations parmi les meneurs de grévistes et les rédacteurs de l’« Arbeiter Zeintung » : Auguste Spies, né à Hesse (Allemagne), en 1855 ; Samuel Fielden, sujet anglais, né en 1846 ; Oscar Neebe, né à Philadelphie, en 1846 ; Michel Schwab, né à Mannhelm (Allemagne), en 1853 ; Louis Lingg, né en Allemagne, en 1864 ; Adolphe Fischer, né en Allemagne, en 1856 ; Georges Engel, né en Allemagne, en 1835 ; Albert Parsons, Américain, né en 1847.
Le verdict est rendu le 17 mai. Les huit accusés sont condamnés à être pendus. Une mesure de grâce intervint pour Schwab et Fielden, dont la peine est commuée en prison à perpétuité, et de Neebe dont la peine est réduite à quinze ans de prison. Le 11 novembre 1887, les autres sont exécutés, mis à part Lingg qui s’est suicidé.
Six ans plus tard, un nouveau gouverneur de l’Illinois John Altgeld, conclut à l’entière innocence des condamnés : « Une telle férocité n’a pas de précédent dans l’histoire. Je considère comme un devoir dans ces circonstances et pour les raisons ci-dessus exposées, d’agir conformément à ces conclusions et j’ordonne aujourd’hui, 26 juin 1893, qu’on mette en liberté sans condition Samuel Fielden, Oscar Neebe et Michel Schwab ». Spies, Lingg, Engel, Fischer et Parsons sont réhabilités.
L’idée américaine est reprise par les travailleurs des autres pays. En 1889, à Paris, lors d’un congrès international, une proposition demandant « l’organisation d’une grande manifestation internationale en faveur de la réduction des heures de travail qui serait faite à une date fixe, la même pour tous » est adoptée et la date en est celle choisie par les travailleurs américains. Le 1er mai prend alors dans le monde entier la signification d’une journée de revendication des travailleurs face à la société capitaliste.
OLT
LE 1er MAI : SYMBOLE D’UNE ÈRE NOUVELLE DANS LA VIE ET LA LUTTE DES TRAVAILLEURS
par Makhno (écrit en 1928)
La journée du premier Mai est considérée dans le monde socialiste comme la fête du Travail. C’est une fausse définition du 1er Mai qui a tellement pénétré la vie des travailleurs qu’effectivement dans beaucoup de pays, ils le célèbrent ainsi. En fait, le premier mai n’est pas un jour de fête pour les travailleurs. Non, les travailleurs ne doivent pas, ce jour là rester dans leurs ateliers ou dans les champs. Ce jour là, les travailleurs de tous pays doivent se réunir dans chaque village, dans chaque ville, pour organiser des réunions de masse, non pour fêter ce jour ainsi que le conçoivent les socialistes étatistes et en particulier les bolcheviks, mais pour faire le compte de leurs forces, pour déterminer les possibilité de lutte directe contre l’ordre pourri, lâche esclavagiste, fondé sur la violence et le mensonge. En ce jour historique déjà institué, il est plus facile à tous les travailleurs de se rassembler et plus commode de manifester leur volonté collective, ainsi que de discuter en commun de tout ce qui concerne les questions essentielles du présent et de l’avenir.
Il y a plus de quarante ans les travailleurs américains de Chicago et des environs se rassemblaient le premier Mai. Ils écoutèrent là des discours de nombreux orateurs socialistes, et plus particulièrement ceux des orateurs anarchistes, car ils assimilaient parfaitement les idées libertaires et se mettaient franchement du côté des anarchistes.
Les travailleurs américains tentèrent ce jour là, en s’organisant, d’exprimer leur protestation contre l’infâme ordre de l’Etat et du Capital des possédants. C’est sur cela qu’interviennent les libertaires américains Spiess, Parsons et d’autres. C’est alors que ce meeting fut interrompu par des provocations de mercenaires du Capital et s’acheva par le massacre de travailleurs désarmés, suivi de l’arrestation et de l’assassinat de Spiess, Parsons et d’autres camarades.
Les travailleurs de Chicago et des environs ne se rassemblaient pas pour fêter la journée du premier Mai. Ils s’étaient rassemblés pour résoudre en commun les problèmes de leur vie et de leurs luttes.
Actuellement aussi, partout où les travailleurs se sont libérés de la tutelle de la bourgeoisie et de la social démocratie liée à elle (indifféremment menchevique ou bolchevique) ou bien tentent de le faire, ils considèrent le 1er Mai comme l’occasion d’une rencontre pour s’occuper de leurs affaires directes et se préoccuper de leur émancipation. Ils expriment, à travers ces aspirations, leur solidarité et leur estime à l’égard de la mémoire des martyrs de Chicago. Ils sentent donc que cela ne peut être pour eux un jour de fête. Ainsi, le premier Mai, en dépit des affirmations des « socialistes professionnels » tendant à le présenter comme la fête du travail, ne peut pas l’être pour les travailleurs conscients.
Le premier Mai, c’est le symbole d’une ère nouvelle dans la vie et la lutte des travailleurs, une ère qui présente chaque année pour les travailleurs, de nouvelles, de plus en plus difficiles, et décisives batailles contre la bourgeoisie, pour la liberté et l’indépendance qui leur sont arrachées, pour leur idéal social.
(Source : Diélo trouda, n°36, 1928)
La BD est parue dans La Brique n°13 – avril 2009. http://www.labrique.net/
Lire aussi sur le sujet Retour sur l’histoire du 1er mai sur le site Hérodote.
lu sur rebelyon
[1] American Federation of Labor (Fédération Américaine du Travail – AFL).
[2] Fédération des Métiers Organisés et des Syndicats de Travailleurs.
[3] Le Noble and Holy Order of the Knights of Labor (Noble et saint ordre des chevaliers du travail).
Agé de 35 ans et père de deux enfants, ce technicien qui travaillait de nuit, a été retrouvé pendu lundi au petit matin sur le site, son lieu de travail, où il était employé depuis 2000. Pascal Le Manach, délégué syndical CGT a expliqué à l’AFP qu’ »il a laissé sur place deux lettres, l’une pour sa famille et l’autre à l’attention de la direction, dans laquelle il dénonce les pressions ».
Dans ce second courrier, l’ouvrier a écrit : « Merci Renault. Merci ces années de pression, chantage au nuit. Où le droit de grève n’existe pas. Ne pas protester sinon gare. La peur, l’incertitude de l’avenir sont de bonne guerre, paraît-il ? Tu expliqueras ça à mes filles, Carlos », allusion à Carlos Ghosn, le PDG du groupe.
Le salarié, « excellent ouvrier » et « non-syndiqué », « faisait l’objet de pressions de la direction depuis qu’il avait pris activement part aux grèves contre le projet d’accord compétitivité-emploi cet hiver », a précisé M. Le Manach. « La direction l’avait notamment menacé de le faire redescendre en équipe (de jour), avec une perte financière très importante à la clé », estimée à au moins 400 euros par mois. La CGT a demandé la tenue lundi d’un Comité d’hygiène et de sécurité exceptionnel « pour montrer la responsabilité de Renault dans ce décès ».
Le parquet de Rouen, qui a confirmé la découverte de deux lettres, a de son côté précisé à l’AFP avoir ouvert une enquête en « recherche des causes de la mort » à la suite de ce suicide survenu « sur le lieu de travail et pendant les heures de travail ».
Le site de Renault-Cléon, spécialisé dans la fabrication de moteurs et de boîtes de vitesse, emploie environ 4.000 salariés dans une ambiance qualifiée par la CGT de « plus en plus difficile », notamment depuis la mise en place de l’accord compétitivité-emploi par M. Ghosn.
lu dans leur presse de gôche toujours un peu stalinienne, l’inHumanité
Dans ce formidable et inédit maelström de revendications sociales, culturelles et citoyennes, celles des citadins occupent une place prépondérante ; l’on peut faire le constat d’un formidable développement qualitatif et quantitatif de mouvements revendicatifs, de comités de quartier, d’associations de riverains, de groupements « divers » ayant par des actions collectives, portant sur des enjeux urbains de toute échelle et de toute nature, interpellés les forces politiques parlementaires, extraparlementaires et syndicales. La « question urbaine » et celle du droit au logement, débordaient allègrement des limites balisées par l’idéologie dominante, mais aussi des réponses théoriques considérées « ossifiées » de la gauche parlementaire, notamment celles du communisme municipal. L’on assistait, selon Robert Castells, à :
Ainsi, aux côtés des luttes urbaines traditionnelles, en plein essor, menées par les mouvements sociaux urbains classiques, de collectifs le plus souvent poly-classistes, donc apolitiques, dont les revendications se caractérisent comme des contradictions structuralement secondaires, c’est-à-dire ne remettant pas en cause directement le mode de production d’une société, ni la domination politique des classes dirigeantes, deux nouveaux fronts vont se constituer.
L’un sera porté essentiellement par les travailleurs et étudiants immigrés, et plus particulièrement de l’Afrique du nord et subsaharienne, épaulés avec ferveur par l’ensemble de l’intelligentsia de la Nouvelle Gauche et plus encore, par l’extrême gauche. Qui s’étaient résignés aux 113 bidonvilles recensés aux portes de Paris, mais lorsque que cinq travailleurs africains meurent asphyxiés dans un foyer-taudis d’Aubervilliers dans cette nuit de réveillon du 31 décembre 1969, la France est en émoi, Jean-Paul Sartre se rend sur place. Dans le contexte de l’après-68, ce drame, relativement banal pour les populations prolétaires et immigrées, va connaître un retentissement national, à la fois politique et médiatique ; la presse s’en empare et l’alimente : à Ivry-sur-Seine, 700 travailleurs immigrés sont entassés dans une usine transformée en un gigantesque dortoir, sans commodités, et Europe 1 accuse et force le trait : » Auschwitz aux portes de Paris « . Dès lors, la question du logement des immigrés, et du lumpenproletariat français est publiquement posée en termes politiques, et non plus en termes de charité sociale, et l’on évoque les raisons structurelles, celles du racisme latent, automatique et inconscient, du post-colonialisme, du tiers-mondisme, questions exacerbées par la guerre du Vietnam et le combat des Palestiniens.
Le second front est mené par les organisations de l’extrême-gauche, soutenus par un contingent non négligeable de l’intelligentsia de la Nouvelle Gauche, parfois en connivence étroite ; l’on peut adjoindre dans cette catégorie, les squats de la mouvance « Autonome » alors naissante, proche et différente de l’extrême-gauche, mais en France, cette nébuleuse prend un caractère contre-culturel plutôt que social, à la différence d’autres pays [Londres, Amsterdam, Hambourg, etc.]. Ce front se confond, le plus souvent, avec les luttes conduites par les immigrés, et celles apolitiques, avec bien évidemment de notables exceptions. D’une manière générale, la méthode privilégiée est soit de s’intégrer dans des structures déjà organisées, au sein de comités de quartier, par exemple, ou bien de s’associer à celles-ci momentanément, soit de créer des comités, mais dissociés, parfaitement autonomes, sortes de satellites, d’appendices.
Ce front de lutte présente une activité confidentielle, un front que l’on peut qualifier de « marginal », car malgré les grandes déclarations d’intention, et l’intérêt porté par ces organisations pour ces luttes, ni les organisations maoïstes, et encore moins les organisations trotskistes, initièrent avec méthode, animèrent ou s’impliquèrent durablement dans les mouvements sociaux urbains. Ils ne constitueront donc pas un véritable angle d’attaque, en tout cas pas aussi puissant, organisé et actif que celui mené au sein, ou plutôt aux portails, des usines.
L’usine plutôt que le quartier, l’atelier plutôt que le taudis, l’ouvrier davantage que l’habitant, dominaient l’espace de la pensée subversive et révolutionnaire, et l’on privilégia les luttes sociales désaliénantes, autant que celles pour la libération du Vietnam, de la Palestine ou du Cambodge, etc., plutôt que celles portant sur les conditions et le « cadre » de vie. Force est de constater, sur le « terrain », dans la « pratique », non pas leur absence, car les militants y participaient, mais une sorte de dilution dans la multitude des luttes, dans la masse, et dans l’espace, des moyens et des effectifs, ou bien une inorganisation complète, un amateurisme indignes d’autres luttes ouvrières traitées plus sérieusement.En 1969 le groupe maoïste Vive La Révolution estimait ainsi :
IV. – FAIRE PASSER NOTRE STRATEGIE DANS LA VIE : PRENDRE LA DECISION STRATEGIQUE DE DEPLACER NOS TROUPES
Ce n’est pas tout de définir une stratégie de préparation à la guerre, c’est-à-dire une stratégie de la construction des bases d’appui : il faut faire passer cette stratégie dans la vie.
Pour nous, l’équivalent des villes de 1928, ce sont les zones sans arrières ; elles sont la base objective pour la domination de la politique bourgeoise, c’est-à-dire aussi l’oscillation entre la « gauche » et la droite.
Systématiquement des « fêtes populaires » bon enfant autour des lieux occupés sont organisées pour tenter de sympathiser ou de rallier le voisinage à leur cause. Les manifestations culturelles de rue dans les quartiers où se produisent les occupations ont un double but :
C’est à nouveau à Issy, que se déroula une révolte : celle d’un mouvement de jeunes filles, mères célibataires d’un « Hôtel Maternel », « foyer » devenu prison, et centre d’humiliation, caché derrière un dispensaire de la Croix Rouge, où la direction, réactionnaire, d’une« œuvre de charité-maison de redressement », punit de toutes jeunes femmes pour crime d’enfants nés ou à naître. « Quand on voit nos fiancés, disent-elles, nos éducateurs nous traitent de putains ».
http://voie-lactee.fr/gauche-prol%C3%A9tarienne-coup-pour-coup
lu sur le laboratoire