[paris est tragique] La profonation c’est celle de la mémoire des communards

Des tags sur la basilique du Sacré-Coeur: les politiques de tous bords s’indignent d’une “profanation”

La basilique du sacré coeur a été construite avec le sang des communards. Ils ont appelé cela « Ordre moral » ! Quelle morale ?! Quel ordre ? 20 000 fusillés, 10 137 condamnations dont 93 à mort, 251 aux travaux forcés, 4 586 à la déportation… Merci aux camarades d’avoir rappelé l’anniversaire de la commune par cet acte politique !
Vive la Commune !

 

MUNICIPALES – “Profanation”, “haine anti-chrétienne”, “dégradations inacceptables”… Un acte de vandalisme visant la basilique du Sacré-Coeur, un des monuments les plus visités de Paris, n’a laissé aucun responsable politique indifférent à quelques jours du premier tour des élections municipales.

Alors que la cam

pagne vit ses derniers jours, plusieurs élus et candidats parisiens, socialistes, UMP et Front national, ont condamné mercredi des inscriptions insultantes portées à l’entrée de la basilique. “Ni Dieu, ni maître, ni Etat”, “A bas toute autorité”, “Feu aux chapelles” pouvait-on notamment lire sur la porte et le parvis de la basilique. De source policière, les inscriptions, faites avec une bombe de peinture rouge, dateraient de la nuit de lundi à mardi. On pouvait aussi lire “fuck le touriste”, d’après cette source.

Une plainte a été déposée mercredi au commissariat du 18e arrondissement, selon le diocèse de Paris qui ne souhaite pas communiquer davantage “pour ne pas attiser la haine”.

Les deux favorites dans la course à la mairie de Paris, Anne Hidalgo (PS) et Nathalie Kosciusko-Morizet (UMP), ont condamné dans les mêmes termes cette “profanation” de la basilique.

“Au même titre que je me suis toujours indigné des actes islamophobes ou antisémites, j’ai été profondément choqué d’apprendre l’odieuse profanation du Sacré-Coeur de Montmartre (…)”, s’est également indigné le président de l’UMP Jean-François Copé, pour qui “la multiplication de ces violences antireligieuses et de ces appels à la haine est absolument inacceptable dans notre République”.

“Une offense aux fidèles catholiques et une atteinte grave à l’un monuments emblématique du patrimoine architectural parisien”, a déploré dans un communiqué le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls.

“Je condamne avec la plus grande fermeté les inscriptions posées la nuit dernière sur la porte et le parvis de la Basilique de Montmartre. Ces dégradations, et ce ne sont pas les premières, sont inacceptables”, a écrit de son côté le maire PS de Paris Bertrand Delanoë.

La faute aux Femen et aux “anti-chrétiens”

Plusieurs candidats aux élections municipales parisiennes ont néanmoins vu dans cet incident une preuve du laxisme de la municipalité, voire du gouvernement.

La tête de liste du Front National dans le 18e arrondissement, Philippe Martel, n‘a pas hésité à relier les auteurs de ce vandalisme à la majorité socialiste. “Faut il s’étonner que l’on en arrive là dans un pays où les Femen, qui s’attaquent régulièrement à des édifices religieux, trouvent l’asile politique; où le Maire de Paris et sa Première adjointe célèbrent à l’Hôtel de Ville la fin du Ramadan et où le leader des communistes au Conseil de Paris, Ian Brossat, souhaitait récemment le remplacement du Sacré-Coeur par un ‘espace de solidarité’?”, s’interroge ce proche de Marine Le Pen.

Le candidat FN à la mairie de Paris, Wallerand de Saint-Just, a appelé de son côté à un rassemblement ce jeudi “contre cette dégradation et contre la complicité du pouvoir socilaliste”.

D’autres têtes de liste et candidats à la mairie de Paris se sont également emparés de l’affaire pour dénoncer un “climat anti-chrétien”, à l’image de l’ex-UMP Charles Beigbeder, fervent catholique et très proche de la Manif pour tous.

Comme lui, Rachida Dati, candidate à sa réélection comme maire du 7e arrondissement, a elle aussi rappelé une action militante très controversée des Femen à l’intérieur de l’église de la Madeleine , pour estimer que la foi catholique était de nouveau visée par “une attaque grave”.

“Après la profanation de l’Église de la Madeleine par une Femen, celle de l’Église Sainte Odile dans le 17ème arrondissement, et désormais celle de la Basilique du Sacré-Cœur, quand le gouvernement va-t-il enfin prendre des mesures pour lutter contre la christianophobie rampante qui est en train de s’installer en France?”, s’est indignée l’ancienne ministre de la Justice.

lu sur couteaux entre les dents

La profanation, c’est la basilique du Sacré-Cœur, pas les tags

Qu’est-ce que j’apprends ce mercredi soir à la radio ? Des graffitis anarchistes à l’entrée de la basilique du Sacré-Cœur à Paris ?

  • « Ni Dieu ni maître ni Etat » ;
  • « Feu aux chapelles » ;
  • « A bas toute autorité » ;
  • « Fuck tourism ».

Qu’est-ce que j’entends dans les commentaires ? TOUS les candidats à la mairie (ainsi que le ministre de l’Intérieur, grand tartuffe des religions dans ce pays) condamnent cette « profanation » (« odieuse » selon Jean-François Copé) ?

Making of
Roland T. a 42 ans, il est professeur d’histoire-géo dans le Val-d’Oise. Rue89

Nous ne saurons sans doute jamais qui sont les auteurs de ces actes, sauf si la police se donne des moyens en disproportion du délit incriminé. Je ne le souhaite pas, car j’imagine par avance la sévérité « exemplaire » et hypocrite des sanctions pénales.

Et à quoi bon critiquer « là-bas » les pays qui mettent en prison des chanteuses punks « blasphématoires » si c’est pour faire pareil ici ?

« Profanation » dans toutes les bouches

Par contre, si je rencontre ces « anarchistes », je les engueule, parce que leur acte est contre-productif par rapport… mais par rapport à quoi en fait ? On ne vous l’a pas dit ? Je vais y revenir.

En fait, ce qui me pousse à réagir, ce ne sont pas les graffitis, car à quoi bon rappeler que les actes de personnes qui se pensent irresponsables de ce monde ne peuvent être qu’irresponsables dans ce monde ? Ce qui me donne envie de réagir, ce sont les réactions des responsables politiques.

« Profanation ». Tous utilisent ce mot. Pas délit, pas vandalisme, pas dégradation : profanation. Soit un rapport au sacré. Aucun recul, aucune neutralité dans l’exercice d’une fonction publique. Le fait religieux est posé comme une évidence, et pas question de rappeler que si l’action publique organise la libre expression religieuse, elle ne reconnaît rien.

Des communards tués à cet endroit

Maintenant, venons-en au cœur de cette affaire du Sacré-Cœur, celui qu’aucun politique n’a relevé : pourquoi commettre pareil acte à cette date et à cet endroit ?

Le 18 mars 1871, le peuple parisien, assiégé et affamé, se soulève contre l’Assemblée versaillaise, réactionnaire, monarchiste et cléricale. Les Parisiens montent au sommet de la colline de Montmartre, à l’époque dépourvue de cette fameuse basilique, simple vignoble urbain, sur laquelle se trouvent des canons de l’armée. Le peuple s’empare des armes, proclame la Commune, et en appelle au pays pour défendre la « vraie République ».

Nul n’ignore la fin de l’épisode : lors de « la semaine sanglante » (21-28 mai 1871), l’armée de Thiers reprend la ville au prix de 20 000 à 30 000 morts (vous vous rendez compte ? Quasiment le bilan de l’insurrection du ghetto de Varsovie), exécutés à la chaîne et enterrés sous les rues (on retrouvera plusieurs charniers pendant les travaux de percement du métro dans les années 1897-1902).

L’humiliation par l’édification d’un basilique


Barricade rue de la Bonne, butte Montmartre, durant la Commune de Paris de 1871 (BHVP/Roger-Viollet/Wikimedia Commons/CC)

 

Avant leurs exécutions, traînés dans la ville sous les crachats des possédants, les Communards étaient contraints de s’agenouiller devant chaque église, chaque croix et chaque image sainte rencontrée. C’est que le peuple parisien était déjà, et de longue date, très profondément anticlérical et largement « athéisé », convaincu depuis plusieurs révolutions (1792, 1848) du rôle réactionnaire du clergé.

Et que fait l’Assemblée versaillaise après la reprise de la ville, après ce triomphe face aux gueux ? Car les morts ne lui suffisent pas. Il faut rééduquer les vivants par la pénitence. Il faut leur imposer « l’ordre moral ». Pour ce faire, est votée une loi qui destine la colline de Montmartre à l’érection d’une basilique. Rien que ça. L’humiliation par l’édification.

Une blessure jamais refermée

Les quartiers populaires sont contraints de taire leurs milliers de morts tandis que, lors du discours d’inauguration du chantier, en 1875, on peut entendre que :

« Cette butte [était] sillonnée par des énergumènes avinés, habitée par une population qui paraissait hostile à toute idée religieuse et que la haine de l’Eglise semblait surtout animer. »

L’anarchisme français est né dans cette blessure jamais refermée au cœur du peuple parisien. De cette obscénité. Car s’il y a profanation, c’est d’abord dans la dissimulation du crime sous cette basilique.

Alors messieurs les politiques, quelques tags à effacer… vous qui faites afficher vos trombines à des milliers d’exemplaires sur TOUS les espaces publics disponibles, souffrez qu’on voit la profanation là où elle se trouve : dans l’existence même de cette basilique à cet endroit.

lu sur rue 89

Laisser un commentaire